Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 19 octobre 2011

LES DEUX COQS DU FERMIER

Petite fable affable

Un rustaud trouvant le gros coq de sa cour
Moins alerte, voulut offrir aux pondeuses
Un galant ; ces belles, la mine boudeuse,
Lui donnaient moins d’œufs que d’autres alentour.
Chanteclerc finirait aux topinambours
Dimanche, n’ayant pas la plume vendeuse.
Ainsi dit, et ferait, l’homme sans détour
N’ayant, sur cela, pas l’âme cafardeuse.

À peine posé l’ergot en sa patrie
Nouvelle, le jeune coquelet, que couvent
Du regard les cocottes qui vite éprouvent
Bien des choses, lui, redouble d’industrie
Pour séduire le harem sans faire un tri.
Quoi qu’il éprouve, toute poule l’approuve :
« Quant au vieux beau déclassé, qu’il s’expatrie ! »
Et l’autre est roi en sa Cour, où qu’il se trouve.

 « Laisse-moi, au moins, ma plus vieille amie !
- Rien : Malheur au vaincu ! » lui cocoricote
Le nouveau venu qu’on becque et qu’on bécote.
 « Je désirerais, ce n’est pas infamie,
Sortir d’ici crête haute : c’est promis
Si tu me bats, entre nous, plus de fricote,
Ni de chicote. Faisons la course, Ami,
Mais laisse-moi un peu d’avance : la côte
Est rude à mes pattes que l’âge picote. »
La larme du vieux convainquit l’ennemi.

La volaille s’attroupa pour voir défaire
L’ancien pacha de la Cour et soutenir
L’emplumé qui ne pouvait se contenir
Car la victoire était déjà son affaire.
Le vieux coq parti premier pour satisfaire
À l’accord, battant de l’aile, sans tenir
Droit la route, gloussant de l’effort à faire,
Caquetant de peur sans pouvoir s’abstenir,…
Le champion s’élança, sûr de l’avenir
Encore dans l’œuf, qu’il allait se parfaire.

L’œil attiré par la poulaille assemblée,
Le bourru, d’un seul coup de feu, mit un terme
Au jeu, tuant le jeune coq de la ferme.
« J’ai pas de bol avec ces bouffeurs de blé !
C’est le troisième coq, dit-il bien troublé,
Que j’achète ce mois-ci et que j’enferme
Avec mes belles poules pour les combler
Et c’est encore un pédé !… Ah, poisse en germe ! »

Comment sur cette histoire moraliser ?
Bon bec dira au petit coq qui l’amuse :
“L’expérience est mère de toutes les ruses.”
Un tel autre poulet pourra analyser :
“Si tu veux me nuire, moi, sans baliser,
Je prends vite les devants, par quelque excuse,
Pour assurer mes arrières, t’enliser.”
Pour le fermier, enfin : “Même à un mètre, use
De jugeote avant d’agir : les sens abusent.”
Choisis ta règle et sache l’utiliser !

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