Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

jeudi 29 avril 2021

HAÏKU AU CONTENT

Il est des gens que je trouve très « complaisants », c’est-à-dire qu’il m’apparaissent comme autant d’aimables imbéciles.

L’ALOI DE L’OIE

Petite fable affable

Une oie blanche paradait dans la cour 
De l’auberge. Fière comme un paon, bête
Comme un âne. Animaux de basse-cour
Et oiseaux d’alentour toujours en quête
De pitance dans leur errance continue
Voyaient comment était cette ingénue.

Car « Foie Gras » était son nom et ça indique,
Par trop, son destin. Elle l’ignorait
Se croyant, la Belle, mascotte unique
Du lieu. Elle bouffait et bâfrait
Au-delà de la satiété, son maître
L’aimant prou depuis qu’il la fit naître.

Plus elle engraissait, plus il l’adorait
Alors pourquoi décevoir ses éternelles
Attentions. « Tu te goinfres en goret,
Ma Mère l’Oye ! lui fit une hirondelle,
Laisses-en un peu aux autres, Égoïste !

- Comment oses-tu me causer sur ce ton ?
Mère ne suis, et ne serai, sotte !
Je fais en sorte, de grains en croûtons,
De conserver cette beauté que mon hôte
À immortalisée dessus son entrée
De blancs rosiers treillés encadrée !

- Alors tu ne fais pas ton âge : l’enseigne
Est rouillée, “Beauté” !… Tu ne finiras
Pas mieux que tes cousines qui craignent
Le couteau dans la basse-cour de l’ingrat !

- Ce sont des dévergondées ; elles sont sales.
Leur sort est scellé pour ça, ces commensales !

- Tu comprendras bien assez tôt l’erreur
Que tu commets. Va, profite et partage
Avant que ne t’advienne malheur
Sinon sur ta chair, malgré ton si jeune âge,
Qui rissolera, on chansonnera
Le poète avec des grands rires gras :

La blanche et belle chose
En rose, elle a vécu
Ce que vivent les roses…
Devenues gratte-culs” »

mardi 27 avril 2021

HAÏKU DE THOR HAUT

Éclairer le commun en termes clairs semble trop obscur pour notre époque si sombre…

LES ROSEAUX SOCIAUX

Petite fable affable

Au clair de l’aube, ce matin-là, en bord d'eau
Les oiseaux, chamaillis chamarré, chantent.
Mais leur brouhaha est éteint par ces badauds
De roseaux et de massettes qui hantent
Ce doux lieu et qui causent et qui jasent entre eux
À en perdre haleine comme en foire de  gueux.

On sait tout du goût d’untel, des envies d’une autre,
De la nuit d’icelle, de la vie de celui-là, 
Des sottes  pensées d'esprits bas et las,
De l’ennui de l’un, jugé bon apôtre,
Des avis de son pair mal dégrossi,…
L’utile côtoie le futile ainsi.

À tant parler nul, dans les faits, n‘écoute 
Plus son voisin, se croit fort important
Quand il n’est qu’importun, Tonton Macoute
Se voulant gourou dans le même temps.
Alors ça bruit, ça frémit, murmure
À tout va, Et, à tout vent, ça susurre.

Ce vain chahut d’incessants chuchotis 
Lasse le vieux chêne qui, coi, règne
Sur la roselière aux clapotis
Et clapets agités jouant aux teignes.
Ce silence ,enfin, étonne les causeurs :
On en dit mots, par cent, chez ces jaseurs.

Mais on n’entend rien du côté de l’arbre.
Comme si le brouhaha de ces bavards
Plus loquaces encore' que des crevards,
On s’en étonne, le laissait de marbre.
Pour surprendre quelque syllabe envolée
Des feuilles, on fait silence sans rigoler.

Pas un son. Non. Nulle phrase à surprendre.
Rien. On en frémit. Mais, Dieux témoins,
Sait-il jacter ? Or vint un peu tendre :
« Parler pour ne rien dire vaut moins
Que se taire quand on veut se faire entendre ? »


Illustration : Elisa Satgé, été 2019

dimanche 25 avril 2021

HAÏKU DE CENTS… & D'ÉMILE

Pourquoi les gens sanguins sont-ils si souvent, de fait, sans gain ?

VENTRE-À-TERRE & RAPLAPLA

Petite fable affable

Peut-on, toujours et pour tout, rire à pleine gorge ?

S'il est plus d’un âne qui s’appelle Martin
Celui-ci, allez savoir pourquoi, c’était Georges.
Goinfre à toute heure, même entre soir et matin,
Dans l’enclos on l’avait surnommé “Ventre-à-terre”,
Sa célérité n’étayant ce commentaire.

Il avait pour seul comparse un très vieux rat,
Malingre et, las, souple comme un verre de lampe,
S’aplatissant devant tous et chacun, à ras
De terre : on l’appelait “Raplapla”. Ça vous campe
Le duo de notre bluette, croyant au Bien, 
Ignorant le Mal, prenant le jour comme il vient.

Alors qu’il lutinait, en sauterie, des salades
Sous l’œil avide de son ami qui faisait
Maigre en le regardant se rendre prou malade
À par trop bâfrer, Ventre-à-terre disait :

« Tu as la couenne triste, chétive créature !

- C’est que cela fait deux jours que je n’ai mangé…

- Faut se forcer sinon offenser la Nature
De la sorte peut te mettre en mortel danger ! »
Fit l’autre en lichant un bref instant à l’auge.
Il reprit sa repue avec des bruits de bauge.

«  Je n’ai nulle envie de couiquer, mon ami…
Et si nous partagions un peu ton repas. En frères. »
Ajouta le rongeur les yeux fermés à demi.
L’âne qui pour bouffer et s’empiffrer n’erre guère,
Lui qui va, pour toute autre chose, à un train
Si lent que celui d’un sénateur passe pour de l’entrain,
Le toise un instant : « Faire maigrir les gros, Bête,
N’a jamais fait grossir, ma foi, les gringalets :
J’ai aussi faim que toi mais moi, ayant bonne tête,
Je m’emplis bedon et panse. Alors imite moi
Ou tu auras péri avant la fin du mois !

- Mais tu as trop !

- Qu’en sais-tu donc en ta béate 
Bohème ? Si ta cervelle te le dit,
Ma bedaine prétend le contraire et même à hâte
Que s’arrêtent ici ces discours. La palinodie
N’est pas dans mes habitudes. 

                            - C’est fort Dommage ! 
Veux-tu un conseil, Aliboron ?

- Ah, pour sûr !

- À engraisser ainsi, tu n’auras jamais mon âge !

- Tant mieux : si c’est pour mourir de faim. Trop dur ! »
Il retourna à sa pitance étant de ces gens
Qui ne demandent d’avis, et ne les suivent,
Que s’ils les confortent en tous points, intransigeants,
Dans leur idée première, engeance poussive.

vendredi 23 avril 2021

HAÏKU DE SOUS

Il est plus aisé de nos jours d’emprunter un escalier que de s’acheter une conduite !

LA LAITIÈRE & LE SOUPE-AU-LAIT

Petite fable affable d’après J. de la Fontaine
La laitière & le pot au lait, Fables, VII, 9

Perrette en tête n’ayant que ses intérêts,
Laitière en ayant sous le béret,
Convola avec un bon notaire d’en ville.
Elle mit ainsi ses petits plats dans des grands
Mais son mari voulait une femme servile,
Cuisine faisant, lit défaisant.

Notre laitière ainsi troussée,
Sans trousseau mais non sans pensée,
Voyant surtout chez ce gros tabellion l’argent,
Se supportait en domestique tabassée
Et houspillée par un mari jouant au sergent.
« Il t'est, disait-il, facile
D’être heureuse et quiète en ma grande maison :
Muette, diligente et docile
Sont les seules vertus qui ne rendent pas ronchon. »

Et las, grognon, pour tout, il l’était ce cochon !
Rien n’allait assez vite, n’était convenable
De ce qu’elle faisait, le fit-elle en trois bonds,
De ce qu’elle disait, le dit-elle l’air ployable.
Vu le salaire de son dévouement à ce cerf-veau
Mal gracieux, acariâtre vieille peau,
Qui traitait la Perrette comme une empotée,
Muette, diligente et docile, la fée
Du logis le fit, et sans vergogne, cocu.
Et, le pire, sans s’en cacher.
Ainsi rirent tous les faux-culs
Qui ne furent guère fâchés
Qu’un goujat mangeât aigrelet ;
On le surnomma « soupe au lait ».

Que reprocher à la compagne
De qui jouait au Grand d’Espagne ?
Cette femme à son homme en tous points obéit.
Pas besoin de points sur les « i ».
Le malengroin avait juste oublié, c’est fou,
D’exiger la fidélité, fors tout le reste,
Croyant voeux d’hymen garde-fous
En plus de sa Loi. Mais est preste
La cervelle d’une femme que l’on bafoue :
Elle trouve vite assez d’eau croupie et de boue
Pour se revancher d’un affront.
Quoi de mieux que bois à dix cors pour orner
Qui croit que seule couronne lui va au front…
Et par la ville le corner ?

mercredi 21 avril 2021

HAÏKU DE PELLE (le conquérant, bien sûr)

La Religion est un horizon : elle fait toucher le Ciel qu'elle a mis en Terre.


CIGALE & FOURMI

Petite fable affable d’après J. de La Fontaine, 
La cigale & la fourmi (Fables, I, 1)

Cigale, n’ayant chanté
                De l’année
Se trouva fort dépourvue
Dans la crise survenue
Par la faute de ce pourceau,
Plus petit qu’un vermisseau,
Qui contraint à la famine
Même Fourmi, sa voisine.

Mais celle-ci pour l’aider
À subsister, lui a cédé,
Jusqu'à meilleures nouvelles,
Du temps pour ses bagatelles
De l’exercice vocal
Ou dansant ou théâtral…

Et Fourmi est heureuse
Car l’Art manque quant tout fault :
Consolation à défaut
De remède aux heures gueuses,
C’est nécessaire aux manants
Comme à ceux qui vivent à l’aise,
N’en déplaise
Aux sots et aux gouvernants !

lundi 19 avril 2021

HAÏKU TANNÉ

Les écorchés vifs disent souvent qu'ils ne sont pas « bien dans leur peau » mais ils n’ont pas essayé celle d’un(e) autre ?

AU VENT MAUVAIS

Petite fable affable

Dans leur fort lointain séjour, là où ils naissent,
Les vents du monde aujourd’hui ne paressent.

Ils colloquent entre le malengroin et l’aigri :
Pour éviter que le temps ne vire au gris
Et à la nuée ou ne tourne à l’orage,
Éole les contraint, quel que soit leur âge,
À bannir de leur langage ce qui peut
Froisser les cieux, et, las, fait donc qu’il pleut
Sur l’Homme. Fini de souffler, sans vergogne,
Le froid et le chaud, même en pays vigogne.
Sur Terre, plus qu’aquilon et alizés
Modérant leurs mots, où douceur puiser.

Ainsi vécurent, paisibles, un temps, les airs.
Tempête et cyclone, condamnés au désert,
Lors se rebellèrent avec l’aide sournoise
Des blizzards et des moussons et firent noise,
Balayant ceux des vents qui manquaient de souffle
À ne pas vouloir gêner ou blesser : barouffle
Dans leur Novlang n’existant, las, même plus.

Éther et Terre sont ravagés. Rafalent
Les tourbillons et tornades aux triomphales
Goulées. Or à beaux ouragans grand dépit,
Mais à pousser la poussière sous le tapis
On la met hors de sa vue non de sa vie…

Alors cherchons, ensemble, une autre thérapie !

samedi 17 avril 2021

HAÏKU’NTEUX

Je voulais vous le rendre en main propre mais j’ai les ongles en deuil !

LE RAT DE VILLE AUX CHAMPS

Petite fable affable d’après Jean de La Fontaine
Le rat de ville et le rat des champs (Fables, I, 9)

Apeuré, un rat de ville
S’invita au gré des champs,
D'une façon peu civile,
Pour y vivre en nonchalant.

Un mal courait le pays,
Contaminant ses amis,
Donc pour préserver sa vie
Il fuyait l’épidémie…

Avec des airs de nonnette
Fautive, il rompait son pain
Mais faisait pourtant la fête
Et menait, au soir, grand train.

Campagnes sont sépulcrales :
Tout tourne vite à l’ennui
Au sein de contrées rurales
Où, en sot, on dort la nuit.

Pourtant il se met à rire :
Quand reproches, bientôt,
Pleuvent et, lors, il ose dire
« Je paie mon pot et mon rôt ;
Vous me devez, chers rustiques,
Le vôtre… Et je suis chez moi.
Fi des griefs et des piques,
Des puérils émois ! »

Ainsi qui s’est, fors l'usage,
Confiné fut, à loisir,
Infecté et, sans rosir,…
Contamina le village.

vendredi 16 avril 2021

jeudi 15 avril 2021

HAÏKU RAGE

Un bon à rien est souvent prêt à tout.

SUS AUX QUADRUMANES

Petite fable affable

La journée, fatiguée, allait se refermer
Sur les cages agitées, les grilles calmées
Du jardin d’acclimatation d’en ville
Où vont de fiers paons, volatiles serviles.

La singerie, toute en grimaces et pitreries,
Vaine agitation, fortes criailleries,
Attire plus que lion las ou gazelles
Jouant encore et toujours aux prudes demoiselles.
Les enfants rivalisent avec les chimpanzés
De cris et de facéties ne sachant s’accuser
Pour observer l’autre. Soudain, l’un de ces mômes
Moins doué qu’il n’était audacieux, tout comme
À la fête foraine, essaye de dégommer
Au caillou un simien sage, pour le sommer
De faire l’imbécile comme tous ses frères.

Le dos argenté qui règne sur ces terres
De béton nu où on garde ces animaux
Attrape le bras de l’enfant pour qu’enfin cesse
Son jeu insultant. Ah quelle folle hardiesse !

Aussitôt les parents parlent haut de procès,
De prison,… - Pour bêtes en cages, c’est d’un excès ! -
Hurlant au scandale à cette tentative
De meurtre,… L’édile prit l’initiative
De supprimer l’attraction : on envoie
Ces primates, à l’unanimité des voix,
Tous, se faire voir ailleurs. Oui, on ne plaisante 
Pas avec le danger… Sottise épuisante !

Ainsi, en notre monde punit-on l’ensemble
D’un corps pour la faute d’un seul même s’il semble
Qu’elle fût fort bénigne ou, pire, interprétée
De façon discutable… et sans plus enquêter.
Hélas, bien plus qu’être dans l’humaine nature
« L’émotion » nous est une dictature.

mercredi 14 avril 2021

mardi 13 avril 2021

ÉPI’HAÏKU’RE

Samedi 10 avril 2022 : première injection du vaccin anti-Covid.
Tous ceux qui me disent « à moitié piqué » ont désormais raison !

LE LOIR & LE MIROIR

Petite fable affable

Un petit loir qui nichait en grenier
À brigander n’était pas le dernier.
Il festinait ainsi toujours à son aise
Car il était fort loin d’être bête niaise.
Un jour en quête de miettes ou d’un quignon
Il trouva quelque éclat de miroir. Guignon ?
Nenni !… Il le serra vite en son asile
Et en fit son trésor , l’emportant habile
En pérégrination pour échapper
À ces murivores qui aiment attraper
En traître, comme aux roués gallinophages
Qu’on voit quand on quitte de calmes parages :
On les éblouit d’un éclat de soleil
Qui sauve mieux que les meilleurs conseils.

Un matin, Loir tint à peu près ce langage
Au bout de glace, quoiqu’ayant passé l’âge :
« Mon beau miroir, dis-moi qui est le plus beau,
Toi qui m’es talisman et n’es point clabaud ?

- Ne sachant mentir que pourrais-je te dire
Que demain ne viendrait, las, contredire ?

- Dis-moi la Vérité, seulement, l’Ami,
Et pas de celles que l’on cache à demi.

- Si je le faisais, sans fard ni art, en brisures
Je finirai car, en ta triste masure,
Tant que t’agréera, cher loir, mon franc parler
Tu m’aimeras. Mes mots viennent à s’ourler
De ce qui te déplaît ou que tu redoutes
D’entendre, je serai mis à vaudéroute.
Or, je tiens trop à toi : sans ton amour
Je me perds et me meurs sans l’amitié
Qui pourrait nous rester après nos beaux jours.
Crains Vérités que tu cherches en rentier
Et plus encor’ qui les sert en entier. »

dimanche 11 avril 2021

HAÏKU PEU DÉVISSE

J’ai entendu quelqu’un crier à satiété : « Au secours !  Au secours ! ».
J'ai aidé l'agité qui ainsi se questionnait en lui signalant que le plus os du corps humain était « l’étrier ». 
Croyez-vous qu’il m’ait remercié d’avoir si bien répondu ? 
Et je n'ai rien gagné en plus…  Soyez donc aimable et serviable !

LA GÉNISSE & LE BOEUF

Petite fable affable d’après Le bœuf & la génisse
de R.-N. du Houllay, Fables en vers français, IX, 2.

« Ah, foi d’animal, est-ce une vie que ta vie ?
En tout cas, au pré, elle ne fait pas envie ! »
Ainsi donzelle génisse apostrophait-elle
Un gros boeuf qu’aux labours dès mâtines on attelle,
Qui mange du bâton et goûte le fouet
Plus qu’à son tour, attendant l’heure du brouet,
Qui est aussi celle du repos, passées vêpres.

Ainsi vont ses jours à moins qu’advienne une lèpre
Qui en fera un mets de choix tant il est gras.
« L’Homme, tu le vois, avec moi n’est pas si rat :
Ma vie n’est que loisirs en ce grand clos, pâture
À mon gré et à mon goût en pleine nature.
Le destin qui m’a choyé ne t’a pas soigné :
Je n’ai contrainte à subir ni reconnaissance
                                                 À avoir .

- De ton destin as-tu connaissance,
Ma Belle ?… Avant que tu n’aies pu un peu savoir
Ce dont on m’a privé, Boucher tu iras voir
Et tu comprendras que ton humain n’est largesses
Qu’à dessein. Je te laisse, hélas, à l’allégresse
Car il est parfois des libertés et du velours
Moins tentants qu’un joug que je sais, soit-il fort lourd ! »

vendredi 9 avril 2021

HAÏKU DE SIX TATIONS

Je suis hostile au style ! (J.-P. Sartre)

LE MILAN DE MILAN

Petite fable affable

Dans la région de Milan vivait un milan
Qu’on disait si vieux dans le grand monde des ailes
Qu’il aurait eu, au bas mot, dans les… oui, les mille ans !
Sa réputation allant jusqu’à la Moselle,
Ce docte rapace était un sage respecté,
Il éduquait les couvées d’ici dès leur prime enfance,
Jugeant aussi les siens lorsqu’ils avaient fauté.
Nul n’osait le contredire ou lui faire offense.

Hélas, un moineau, impertinent, voulut, matin,
Ridiculiser le vieil oiseau de proie qui, sans cesse,
Disait, vœux viude de vieux, en baratin
Scolaire, qu’au risque de sombrer dans la bassesse,
Il fallait, et sa vie durant, se laisser guider
Par des valeurs universelles et intangibles.
« Et à quoi accordes-tu du prix, dis, l’Oxydé,
Pour que ta vie vaille mieux que mépris risible ?

               - Et toi, Petit ?… 

                          - Moi ? Piaffe le piaf : “Beauté”
Et “Jeunesse” me font tant courir, chanter et rire
De l’aurore au couchant et en suis enchanté !

- Pour moi ce sont “Prudence” et “Raison”. Il y a pire !

- Ce n’est pas très glamour et encore moins sexy,
         L’Ancien !

                             - C’est aussi, ma foi, moins éphémère.
Car si tu veux vivre, sans risquer tantôt l’ataxie,
Au mieux et fort vieux, pas comme feue ta mère,
Cherche un sens dans des mots qui ne reposeront pas 
Sur l’avis d’autrui ou qui, vite, iront à trépas ! »

jeudi 8 avril 2021

HAÏKU PEU DÉGUEULASSE

Ballets de l'Opéra : des petits clous qui font des pointes pour de vielles punaises en mal de semence, souvent époux cavaliers, qui se croient têtes d’homme…

mercredi 7 avril 2021

DANS L’HAÏKU LOIR

Beaucoup d’images réfléchies font penser à dessein qu' « il n'y a pas photo ! ». Et ce n’est pas cliché !

LA TENTATION

Petite fable affable

Hier, un fond d’eau mêlé d’orgeat et d’anis
Trônait sur la table de mon jardin embaumée de lilas.
Je ne sais à cause de quoi ou qui ; Daphnis
Ou Chloé, je suppose, a dû l’oublier là.

Par l’odeur alléché, un minus, moucheron 
De son état, vint à zinziner, zigzaguant,
Aux abords du nectar. Il fit, en l’air, des ronds.
Déjà grisé de sucre, il allait divaguant :

« Humons cet arôme : c’est celui du plaisir !
Aucun embarquement pour Cythère ne vaut
L’ivresse. Délices de Capoue, mon désir,
Vous venez à moi. C’est à se pâmer. Bravo ! »

Il entre dans le verre et se saoule, émoustillé,
Des saveurs qu’il sent, de l’odeur de ces bonheurs
D’une heure, ou de bien moins, qui l’ont tant titillé
Car ils font tout oublier des heurts et de l’heur.

Et à force de descendre d’un vol incertain
Au plus près de la source de sa joie, il s’y noie.
Un rossignol qui perchait non loin, importun,
Lance en l'air ce bref épitaphe en tapinois :

« Succombe sans retenue à tes appétits,
Jeune bête, et tu tombes petit à petit ! »

lundi 5 avril 2021

HAÏKU DE LAIT TRIÉ

Aux Bretonnes le spirituel, aux Bretons le spiritueux !

SÉCHERESSE

Petite fable affable

La rivière de soif mourait en ce temps-là
Et les champs crevaient de faim sous un soleil las.
Hommes du bourg épuisés par la canicule
Et leurs bons animaux, à bout de tant souffrir,
Cherchaient l’ombre et l’eau de l’aurore au crépuscule
Non sans voir, ici ou là, l’un ou l’autre, périr.

D'avoir pleuré les siens, on n’avait plus larmes
Ni pleurs, prières murmurées faisant vacarme.
Mais, en ce temps-là, le malheur frappait chacun
Comme les pires douleurs, n’épargnant aucun
Des gens, l’entraide était redevenue de mise ;
On aurait donné jusqu’aux boutons de sa chemise
Pour soulager celui-ci, assister celle-là :
Ayant peu, on faisait prou comme aux Ségalas.

La pluie revint. La vie avec. Seul resta triste
Un vieux tout sec qu’on traita de casuiste :
« Finie l’ère où vous soucient proches et prochains :
Qui est accablé, comme soi, par les crachins
On l’aide à surnager dans sa noire misère
Alors qu’on envie toujours le bonheur d’un frère  ! »

samedi 3 avril 2021

HAÏKU BIEN VU ?

 BON  WEEK-END  PASCAL  !

Enfin, Pascal et les autres…

LA SAVANTE, L’ÉRUDITE & L’ABRUTI

Petite fable affable

La paix au cœur face aux aléas de la fortune
Une vieille poule qui glosait prou en gloussant,
Se croyant savante à ce prix, voit une importune
Jouer l’érudite en sa cour, se trémoussant.
C’était une cane, du bien d’autrui jalouse
Comme, disait-on ici, seul sait l’être l’humain :
Et ce trésor n’était pas fait de pierres ou flouze,
On parle de “réputation”, de haute main
Sur le commun bien moins ignorant que vulgaire.
Nos deux doctes, même s’il n'est pas sage d’outrer,
Entrèrent en conflit, tout mot provoquant une guerre :
« Viles arguties capillotractées que vos traits !

- Vain babil que vos paroles, Ma Chère, et stérile
Babillage que vos propos. Si votre Savoir
Était omniscient vous ne seriez si débile !

- Encyclopédique est ma culture, Lavette de lavoir ! »

Et nos deux Lumières passaient pour deux commères,
Avec application, avec implication,
Le temps passant, les jours filant. Toujours plus amères
Pour un peu d’or, pour moins encor’, avec passion
On se déchirerait moins que ces deux pointilleuses 
Pédantes, cuistres vétilleuses car leur honneur
Était en jeu autant qu’enjeu. Mais nos deux brailleuses
Lassent le dindon, chicane rendant zizaneur 
Ce sot qui ne s’ignore pas : « Voilà ce que science
Mal comprise amène aux têtes plus pleines que bien
Faites : Orgueil et Impatience !… La sapience
Et le Gai Savoir me suffisent, ô combien ! »

« L’idiot ne doit causer que de ce qu'il sait, Pauvre Inculte !
Lance la cocotte au jouvenceau joufflu et impudent.
Parce que de l’entre-soi la Suffisance a le culte,
La canette renchérit à destination de notre imprudent :
« Tu ne peux ni comprendre ni nous comprendre,
Sottard, fils d’ignare, et ne nous mérites pas !

- Et à vous ouïr, j’en suis bien aise à tout prendre.
Alors, de grâce, mettez vos disputes au trépas ! »

jeudi 1 avril 2021

HAÏKU DE PRESCRIPTIONS

De nos jours les maladies tuent presque moins que les médicaments.

LE CAPRIN & LE FÉLIN

Petite fable affable

Une chèvre des Rocheuses,
En ses hardes immaculées,
Broute et paît en vraie bêcheuse
Sur un à-pic, comme acculée.

À jeun, l’humeur en maraude,
Un puma vint à passer,
Qui la voit et lui clabaude :

« Pourquoi, l’amie, t’enchâsser
En ce haut lieu incommode
Où ras et rare est le pré
Alors qu’en toute période,
Ici, en bas, picorée
N’est que manne et abondance ?

- Parce qu’en bas, toi, tu y es :
Pourquoi me remplir la panse
Si c’est pour finir croquée ?! »