Petite fable affable d’après J. de la FontaineLa laitière & le pot au lait, Fables, VII, 9
Perrette en tête n’ayant que ses intérêts,
Laitière en ayant sous le béret,
Convola avec un bon notaire d’en ville.
Elle mit ainsi ses petits plats dans des grands
Mais son mari voulait une femme servile,
Cuisine faisant, lit défaisant.
Notre laitière ainsi troussée,
Sans trousseau mais non sans pensée,
Voyant surtout chez ce gros tabellion l’argent,
Se supportait en domestique tabassée
Et houspillée par un mari jouant au sergent.
« Il t'est, disait-il, facile
D’être heureuse et quiète en ma grande maison :
Muette, diligente et docile
Sont les seules vertus qui ne rendent pas ronchon. »
Et las, grognon, pour tout, il l’était ce cochon !
Rien n’allait assez vite, n’était convenable
De ce qu’elle faisait, le fit-elle en trois bonds,
De ce qu’elle disait, le dit-elle l’air ployable.
Vu le salaire de son dévouement à ce cerf-veau
Mal gracieux, acariâtre vieille peau,
Qui traitait la Perrette comme une empotée,
Muette, diligente et docile, la fée
Du logis le fit, et sans vergogne, cocu.
Et, le pire, sans s’en cacher.
Ainsi rirent tous les faux-culs
Qui ne furent guère fâchés
Qu’un goujat mangeât aigrelet ;
On le surnomma « soupe au lait ».
Que reprocher à la compagne
De qui jouait au Grand d’Espagne ?
Cette femme à son homme en tous points obéit.
Pas besoin de points sur les « i ».
Le malengroin avait juste oublié, c’est fou,
D’exiger la fidélité, fors tout le reste,
Croyant voeux d’hymen garde-fous
En plus de sa Loi. Mais est preste
La cervelle d’une femme que l’on bafoue :
Elle trouve vite assez d’eau croupie et de boue
Pour se revancher d’un affront.
Quoi de mieux que bois à dix cors pour orner
Qui croit que seule couronne lui va au front…
Et par la ville le corner ?
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