Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

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lundi 1 décembre 2025

LE BOUFFON DU BEFFROI

Petite fable affable

Miséreux, contrefait, le bouffi du beffroi 
Fait toujours fuir d’effroi, par temps chaud, par temps froid,
Patriciens et bonnes gens de la plèbe urbaine,
Leurs enfants effrontés pourtant comme moineaux.
Que sorte sa face de gargouille au créneau,
Et les punaises de sacristie crient leur peine ;
Les  poux de tonsure alors ne sont plus que haine.

« Mais quel mal a-t-il donc fait pour être si laid ? »
Murmurent les palais ; « c’est bête à marteler
À grands coups de galets ! » susurrent les chaumines.
Hérétique, sorcier ou juif ? Les langues vont
Bon train, le bourgmestre menant le bataillon
Et l'orchestre des sains clapets à bonne mine
Huant ce bonnet à grelots, cette « vermine » !

La peste frappa le bourg malgré le tocsin,
Tuant jusqu’à ses saints, n’affectant le malsain.
Face aux divins arrêts la justice des hommes
S’empara de ce fou : « Qu’as-tu fait de ta vie ?

- Rien, je le crains et, las, crois bien qu’on me l’envie.

- On la passe à suer, nous, pour l’honneur de Rome,
Et à prier, sans fin, en bon pépin de pomme.
Toi tu vis d'aumône donnée, de pain mendié
Dans quelque vieux trou par charité octroyé.

- C’est peu ! fait le fada que milles peurs tenaillent.

- Mais trop pour ce que tu es utile à ce bourg.
On te donne ce qui s’achète à grand débours
Et t’offre ce qui se gagne quand on travaille !
C’est injuste pour qui paie la dîme et la taille.

- Vous m’en voulez d’être libre quand, aux fers,
Vous êtes aux servitudes volontaires offerts ?
Regrettez-vous piété et pitié ?… Madone,
La jalousie guide vos rancunes et rancœurs !
Allons, moi le simplet, je n’ai à moi qu’un coeur.

- Qu’au divin courroux, à l’ire céleste on donne
Pour qu’enfin, de t’avoir choyé, il nous pardonne ! »

On sonna ainsi le glas de ses jours par feu
Et flammes sans qu’il plaise, hélas, à leur Bon Dieu
D’éloigner son fléau pesteux de cette ville
Où des pauvres reprochent à un vil miséreux,
Que Nature avait fait encor’ plus malheureux,
Le tant maigre bien que récoltait sa sébile
Et ce qu’il moissonnait des mains les plus civiles.

La convoitise nous fait perdre humanité
Et, dans les pires maux, toute fraternité…

mercredi 19 novembre 2025

UN BIEN BEAU JOUR…

C’est un bien beau jour pour flâner en ville
Et y promener un indélébile
Sourire alors qu’y règne le gris
De vos habits de vieux mistigris,
Le triste de vos regards hostiles
Jetés sur vos vies biens rabougries
À l’ombre de vos pas infertiles.

C’est un bien beau jour pour défier,
Les portes de nos cœurs gros décloses,
Nos destins de futurs gougnafiers
Coursant des heures toujours moroses
À la quête de quelque « autre chose »,
À la recherche des sources taries
Du bonheur dans des charivaris,
Des plaisirs que désirs overdosent.

C’est un bien beau jour pour s’enivrer,
Libres d’façon peu coutumière, 
L’esprit et l’âme enfin délivrés,
De vaguer dans des rais de lumière,
Refusant nos routes coutumières,
Loin des paradis artificiels,
De l’artificieux des sombres ciels.

Oui, c’est un bien beau jour pour, chance !,
À son pas et, tout en nonchalance,
Arriver gentiment jusqu’au soir,
Cet éteignoir de tous vos espoirs,
Avec des petits airs qui entêtent
Des rêves éveillés, des bons vouloir
Et un soleil d’été plein la tête…

mercredi 29 octobre 2025

LA REVANCHE DU RONGEUR

Petite fable affable

Un rat vint à un souriceau dépourvu
De tout. Ce monsieur raton, un m’as-tu-vu,
Voisinait avec le pauvret car la fortune
Se joue parfois de nous, farce commune.
Matin, il porta au petit rongeur 
Un panier plein d’ordures, sans rougeur
De honte : « C’était pour le vidangeur,
Mais je sais que, toi, tu sauras en faire 
Provende. Je t’offre donc ces affaires ! »

Quelques jours après le traine-ruisseau
Frappa chez son bon voisin riche à sceaux
Avec le panier, propre et plein de roses…
L’autre voyant ce don lui fit; morose :
                    « Pourquoi, mon ami ?!

- Parce qu’on offre 
Plus ce qu’on a au cœur que dans ses coffres ! »

Si on veut t’humilier, sans peur ni pleurs,
Dis merde à qui t’abaisse avec des fleurs !

jeudi 9 octobre 2025

HISTOIRE VRAIE

Petite fable affable

« Ah il faudrait beau voir : Non seulement
Vous me passez devant, insolemment,
Mais vous me traitez de “connasse” quand j’exige
D’être servie avant vous. Ça tient du prodige ?!… »
Ces mots amers furent prononcés
Par une dame fort courroucée
À quelque vieux tronc, sans façon, dans le commerce
Que je fréquente et où, contre quelques sesterces,
On vend, avec amour, de bons pains
Et à n’importe quel turlupin.

Puis, notre grincheuse servie à la bonne heure,
Les vendeuses, et à mes yeux c’est une gageure,
Sans qu’un seul mot ne fût prononcé,
Ni échanger un sourcil froncé,
Ont servi, avec leur habituel sourire,
Tous les clients présents qui évitaient de rire
Sauf, bien sûr, notre antique grognon
Qui partit, encore plus ronchon,
Gros Jean comme devant, pestant contre les femmes
En des termes qu’on ne dit qu’en étant infâme.

C’est là saine solidarité
Qu’on dit aujourd’hui « sororité »
Car, sales bonhommes, l’offense faite à une 
Est toujours une insulte proférée à chacune !

mardi 7 octobre 2025

VIOLENCE GRATUITE

Cette nuit est martelée de pluie…
Abrutis de bruits et assommés de sons,
Nul, las, n'en jouit quand elle nous fuit,
Saoulés qu’elle nous testonne à l’unisson.
Là, en voulant battre le pavé
Elle le rudoie à le laver
Bien qu’elle l’estampe d’éphémères piastres
Rondes et brillantes comme de petits astres.

La pluie ennuie autant qu’elle fuit
Cognant rênes et arçons, châtiant les caissons.
On essuie la cinglante cinglée qui bruit,
Tout en frissons, chevaux en caparaçon.
Rossent le carrosse pilonné
Ces coups qui voudraient le poinçonner
De sequins d’argent qui toquent et tambourinent,
Molestant, fustigeant plus que la berline.

Rues faites pertuis, débords de puits,
Blessés par les flots qui les choquent, brutaux,
N’ont pas de ressui ; aux murs enduits
Que malmène l’eau aux horions,
L’averse est fouet, heurts et tabassée
Comme sous qu’on ne sait ramasser.
Par la ville éprouvée, transpercée, ces gouttes,
Offertes en aumône, meurtrissent sans doute.

lundi 29 septembre 2025

COPIE, CON FORME !

Petite fable affable

Il en est ainsi pour tout-un-chacun
Partout sur la terre où l’on est plus d’un,

Viennent vite les disputes et querelles.
Faisant tonner leur voix de crécerelle,
Deux araignées prétendaient lors tisser
Mieux qu’aucune aragne par le passé.

Vivant à fleur de foule et philosophe,
La première était de cette étoffe
Qui cite exemples à suivre et maints penseurs
Que l’on doit, oeil soumis, mots encenseurs,
Faire inspirateurs de toute vie.
On était admiration, envie,
Devant un travail digne d'aînées

Auxquels il faut être, au plus près, fidèles.

Le seconde ignorait, las, tout de ça.
On aurait peine à trouver plus en deça :
Sans reflet de regret, elle l’affirme :
« Etre sotte à ce point c’est être infirme
Aux yeux du monde : qui rien ne sait
N’aura qu’un talent vite dépassé !

- C’est le ressort d’un remords que tu cherches
Et te crois partie gagnée, grande perche ?!
On ne réussit être à soi fidèle
En plagiant ou imitant un modèle ! »

samedi 27 septembre 2025

L’ADORABLE SCÉLÉRATE

Sur un bon mot de Thibault

Fort gracieuse, avec lenteur je me hâte
Sûre de trouver quelque huissier pour m’ouvrir
Ou un laquais pour, sans sévir, me servir.
Oui, moi, l’aristocrate aux airs d’autocrate
Que l’on dit « ingrate » mais pourtant qu’on flatte.

Il n’est de sofa où mon corps ne s’abatte,
Lassé, ou ne s’étire, tout en langueurs,
Ni de lit qui ne me soit nid, chaud à cœur.
Je ne me soucie mie de demain, béate,
Ni de vos mains fates, moi, si délicate
Préférant au crin, spartiate, soie, ouate,…

Fine et féline, je vous mate et formate
Car je ne suis qu’humeurs, et vous, à me voir,
Qu’émois. Ça, je ne suis pas sans le savoir.
Je me vois souvent faiseuse de stigmates,
Belle rebelle, renégate ou pirate
Pour quelque mainate, une vieille savate,…

Œil noir ou regard doux, je repousse, appâte,…
Jouant les geishas pour mieux vivre en pacha :
Je mène, à mon pas las, « la dolce vie d’chat »,
Dédaignant minous à mines qui s’empâtent
Et minois de minets qui font dans l’épate.




















Photo : Marielle, 01 novembre 2024

samedi 13 septembre 2025

C’EST TOUJOURS CHAT DE PRIX !

Petite fable affable

Isaac Newton, las englishe de naissance,
Nul n’est parfait ! bonne pomme levait son nez
Trop souvent de son lourd labeur : la Connaissance.

Pourquoi me direz-vous ? Le petit cabinet,
Comme le sweet home, de ce fort brave homme
Était hanté de chats, tous de très grands gentilhommes
Natifs de gouttière, dont l’aristocratie
Féline se doit d’être en tout noble pays.
Aussi ils entendaient être servis sur l’heure
Partout, tout le temps, que le ciel gris rie ou pleure.

Même aux jours glacés ou ternes qui font l’hiver
De sa contrée, il devait son glorieux office 
Abandonner. C'est là le harassant obvers
D’avoir des bêtes à soi… Et pour quel bénéfice !

Or, gras comme une caille, un de ses familiers
Était, jour et nuit, avec lui, prou cavalier.
Il lui disait : « Je ne suis pas oie qu’on dindonne,
Pas plus que, gros ballot, truite que l’on saumone.
Tu attendras donc, un peu, que j’ai terminé :
La science est sacrée, satané minet ! »

Mais jamais chat, en son vouloir, n’a désarmé.
Et comme il ne prenait plus rien à la légère
Depuis qu'il avait trouvé la gravité, l’aimé
De Thot pour ne plus tant jouer à la mégère
Se prit à réfléchir : il n’aimait à marcher
Que sous les verts pommiers, non pas en son foyer.
Ainsi, inventa-t-il, un matin, la chatière ;
Redevable lui est, depuis, la terre entière !

La nécessité, seule, pousse à inventer
Pour sa tranquillité… non la postérité.

lundi 1 septembre 2025

ARACHNÉES, REINES DU MONDE

Petite fable affable

Veille à ce que ton projet, ton ambition,
Faute de moyens, ne reste prétention ! 

Araignées colloquaient jusqu’avoir toux en quintes
Dans quelque citrouille ou bien en coloquinte.
Et là, on décida de conquérir le monde
Des hommes, ces bêtes on ne peut plus, las, immondes,
Qui détruisaient, sans fin, leurs œuvres et tatanaient
Sans vergogne leurs sœurs sans jamais se gêner.

« Ils se prennent pour des dieux en leur domicile
Or chez eux le moindre bouffon gagne son pain
Quand meurt de faim le Sage, estimé vil taupin ! »

Bientôt en chaque coin de chaque lieu, aragnes
Tissent en filandières, et pièges, et toiles, avec hargne.
S’étendent vite et prou ces rets et réseaux :
On croyait pouvoir y prendre l’humain museau
Comme petit oiseau, lors qu’ils sont d’importance.
Las, les fils de soie, dont on sait la résistance,

Ne tinrent guère face à plumeaux et balais :

Vite, ils mirent fin aux arachnéens ballets.

dimanche 17 août 2025

BIENVENUE CHEZ NOUS !

Aie une conduite plus civile,
Toi qui nous arrive d’en ville :
Lève le pied et souris. On se lâche…
Ici, tu sais, le temps prend son temps
Et nos rues sont traversées de vaches,
D’enfants et de poules qui, de longtemps,
Sont partout chez elles, pas farouches…

Tout comme abeilles, araignées ou mouches.
Certes, ici, le temps prend tout son temps
Mais il passe et les cloches rappellent
Fréquemment qu’il est compté, comptant,
Même la nuit. Puis le jour, les belles
À clarines, qui parfois s’oublient
Sur la route, te joueront leur musique
Impromptue, toute en mélancolie.
Le silence n'est pas aphasique !

Oui, par chez nous, le temps prend son temps
Même si les coqs matin réveillent
Le soleil qui sommeille, insistants.
Ce n’est pas pire que les casse-oreilles
Des autos-radios. Et les senteurs
De lisier et de fumier parfument,
Parfois, nos nues loin de tes moteurs
Et rejets d'usines qui t'enfument !

vendredi 8 août 2025

AU DÉTOUR DU BOIS

Sur une photo de Marc-Yvan Custeau, 16 novembre 2024

Au détour du bois qui dort au noir

Nous attendent quelques couleurs d’espoir
Qui passent aux ciels nés d’aube et d’aurore,
Qui restent aux lointains venant d’éclore.

Au détour du bois qui dort au noir,
Alors que s’allument champs et promenoirs,
Je goûte aux beautés qu’offrent la Nature
En passant du matin, allant par pâtures
Et labours loin de l’urbain laminoir
Qui passe, hélas, nos sens à l’égrenoir ;

Au détour du bois qui dort au noir
Sont des pastels trop vite à l’éteignoir,
Qui passent aux ciels qui, matin, s’édulcorent
Mais restent aux lointains que lueurs picorent.



jeudi 31 juillet 2025

PARIS N’EST QUE PARI

Ivre d’envies et à jeûn de vie,
Paris est de rêves inassouvie
Mais aujourd’hui qu’est donc cette ville
Où, toute heure, on veut mettre au pas
Et nos hiers aimés au trépas ?
Hélas, j’ai la mémoire incivile…

Jamais lassé d’un passé lissé,
Ce monde déchiré au temps froissé
Habille la Cité de pluies nocives,
La chapeaute d’un mortel brouillard ;
Un châle de brumes acides, sans art,
Vêt les épaules de cette agressive.

Où sont crieurs de journaux, pipelets,
Chanteurs de ces rues qui complaintes beuglaient ?
Touristes et bobo’ ont chassé les foules
Qui faisaient la ville tant bien que mal…
On y préfère domestique animal
À mémé, vieux coqs et jeunes poules.

Qui voit ses clous et bat son pavé ?
La ville-lumière est délavée !
Mêmes les pianos ne font plus de gammes
Qui tombent, avec des ris, des croisées ;
Allées ou parcs sont cyanosés…
Seuls les rats jouent encore, Madame !

Les fontaines Wallace sont taries,
Les colonnes Morris sans armoiries,…
La gouaille est aux pigeons non aux Belles,
Aux apaches, gavroches et titis
Ou aux poulbots faussement gentils.
Nous restent quelques libelles… et poubelles.

Caillebotte serait atterré ;
Finis Offenbach, Doisneau, Ferré,
Prévert, Jeanson, Feydeau ou Lemarque
Chantant le cœur battant du pays ?
Lépine, Hausmann,… vous êtes trahis :
Paris n’est qu’un mirage, une « marque »,…

dimanche 27 juillet 2025

CHANT CONTRE-CHAMP

La joie est là
Au jour jà las.
Elle résonne
Par voies et rues,
Presqu’incongrue
Quand on raisonne.

L‘été est lourd,
Le soir est four.
Le bal revient
Des jours anciens.
Dessous la treille
Toquents bouteilles.
Mais aux corps gourds
L’esprit est sourd
À qui conseille.
Donc on accourt
De toute cour
Qui s’ensommeille…

La joie nous va ;
Valse et java.
Chacun, chacune
Venus en chœur
Vider liqueurs
Que rires ilunent.

Amours toujours

Ou sans retour,
Au bal venu
Sont bienvenus.
Dessous la treille
On fait la cour
Ou le cabour :
On fait merveille,
Sans couper court
Aux beaux discours
Des joues vermeilles.

La joie s’en va…
Valse et java
Montent à la lune,
Jouent dans les cœurs
Foin des rancœurs,
Fi des rancunes.

samedi 26 juillet 2025

LES IMMÉMORIAUX

Sur une photo - et un titre - de Marc-Yvan Custeau, 5 juillet 2025

Eux, ils ont vu tant et tant d’aurores
Et de crépuscules tout autant
Qu’on ne sauraient les compter encore…
Témoins des temps d’il y a longtemps,
Ils se souviennent d’avoir été forêt,
Puis bois ; et bosquet, hélas, ensuite.
Enfin les voilà bornant une haie,
Redoutant ce qui vient à la suite.

Je les sais qui pleurent sous la pluie
Parfois ces temps à jamais enfuis…

Tout deux, ils ont vu tant et tant d’aubes
Et de nos douces brunantes autant…
Il est vrai qu’heures et saisons ils gobent
Mais se rappellent encore des ces ans
Où vinrent chevaux, charriots charrues 
Pour rendre leur plaine enfin prospère ;
Les frères abattus de ces rebuts
Dorment sous ces terroirs de rangs pépères.

Moi, je sens qu’en leurs feuilles on médit
De ce jadis à jamais maudit…

Alors que vient leur bel et grand âge,
Eux qui ont vu tant de points du jour, 
De lointains et d’espoirs de voyage,
D’hier ne veulent causer toujours.
Chagrins, leur espace est fort mité
Pour qu’à loisir, s’étalent et s’étirent
Les banlieues toute en fatuité
De villes qui feront leur martyre…

Je sais qu’au vent ils parlent, sans ris,
De naguère et d’un avenir pourri…



mercredi 23 juillet 2025

AMOURS TOUJOURS ?

Sur une expression de Marielle

Les parcs sont abandonnés aux violences,
Des No Future courent aux murs des rues
Et Sex in the City trône aux avenues…
Point d’autres fins d’innocence et d'indolence.
De bises repetita

Alors que l’hiver déjà habite la ville 
Mais que l’automne habille toute ma vie,
Je songe aux vertes saisons avec envie
Et aux amants dont je faisais vaudevilles
Et bises repetita

Avec leur tendresse esquissant des caresses,
Que sont donc les tourtereaux devenus,
S’offrant aux folles amours tout en retenue,
Avec une exquise et touchante maladresse,
En bises repetita ?!

Pas d’explorateurs de la Carte du Tendre…,
Plus d’amoureux aux doux bisous ingénus,
Aux bécots fêtant l’heureuse bienvenue
De ce bon temps où on accepte de s’apprendre
Par bises repetita

Aucun épris dont, sans fin, les câlins paressent
Ni d’affolés du feu de l’amante foi
Ou d’enjôlés par la joie du jeu, parfois,
D’aimés tremblants que la flamme disparaisse
Aux bises repetita

Béguins, et toqués ne soupirent plus guère.
Les galants et les langoureux vivent en romans ;
Fervents, mordus ou pincés, lors assommants,
Sont transis de froid non pas d’amours vulgaires
Ou bises repetita

Le prétendant n’effleure plus qu’un cellulaire
Et les sensibles n’embrassent qu’un destin ;
Les sentimentaux s’accolent contre salaire
Et le transporté n’étreint qu’ego sans tain
En bises repetita

mardi 22 juillet 2025

AU CABARET DES PETITES GENS

Au cabaret des petites gens
Toujours viennent, tout partageant,
Ceux de nos champs, dont l’haleine écume
De vents, en bottines de boue,
Et ceux de la ville, jà debout
En habits de pluie, bonnets de brume.

Au cabaret des petites gens
On paie comptant, même sans argent,
Pour boire du gros rouge qui tâche
Au petit matin tout en brouillards 
Ou le blanc sec qui rend babillard
Et fait briller la moustache.

Au cabaret des petites gens,
Avec des agents, des indigents,
On sirote tous les fruits de France
Pour oublier un peu ses malheurs,
Pour se fêter ses petits bonheurs,
Faire venir la gagne et la chance.

Au cabaret des petites gens
On est toujours très intelligent,
Noyant ses déceptions dans la bière
En jasant d’hier avec les mains
Ou en causant de chantants demain
Car on se saoule d’espoirs, voix fière.

Au cabaret des petites gens
Tout est pressé mais rien n’est urgent.
Le genièvre qui enfièvre
Fait vomir sirènes et cokerie ;
On hue l’angélus de nos prairies
À l’absinthe pour les moins mièvres.

samedi 12 juillet 2025

KERMESSE

À Émile Verhaeren (1855-1916)

Le cabaret dehors en brasse :
Torches ignées sur tables en quinconce,
L’estaminet vit en terrasse.
Avec Léonce, avec Alphonse,
Ce soir, c’est sûr, on se défonce :
Ça rendra saoul, ça rendra dingue,
Et là, pas de coup de semonce.
La kermesse fait son bastringue !

Ce soir, c’est liesse et embrasses ;
Oui, de retenue plus une once.
Même si, pour toi, ça fait crasse,
Si le sourcil papal se fronce,
Quoi qu’en dise ou pense son nonce :
Ça rendra saoul, ça rendra dingue
Et c’est pas un effet d’annonce.
La kermesse fait son bastringue !

Tombe la veste ou la cuirasse,
Sinon retourne-t-en et pionce.
Ce soir, c’est pas action de grâces ;
On la fait grasse, on la fait « Fonce ! » :
Tous les tabous, on les enfonce !
Ça rendra saoul, ça rendra dingue
Qui les antiques adages énonce,
La kermesse fait son bastringue !

Ayons tous l’appétit vorace !
Ça rendra saoul. Ça rendra dingue.
Entre caf’conc et strass, vérace !,
La kermesse fait son bastringue  !

mardi 8 juillet 2025

LES GENS DE PEU

Les gens de peu sont des gens de peurs.
Peur pour leur bonn’ fame et pour leur âme,
S’interdisant lors d’êt’ tout feu, tout flamme…
Surtout, vieux, si t’es une bonn’ femme !

Les gens de peu sont des gens de peurs.
Peur que là-haut il n’y ait personne,
Car le clocher, pour eux, las ne sonne
Que tocsin ou glas, qu’leur ciel grisonne,…

Les gens de peu sont des gens de peurs.
Peur d’ces brum’ qu’on fum’, du froid qui t’broie,
D’la pluie qui nuit, des fins de mois
D’ces jours trop courts, des flics aux abois.

Les gens de peu sont des gens de peurs.
Peur que le goss’ le droit chemin ne biaisent,
Tant, las, il en prend jà à ses aises
Alors qu’eux, toujours, ils font malaise.

Les gens de peu sont des gens de peurs.
Peur que les p’tits jeunes finiss’ couleuvres
Et qu’avec l’patron à la manœuvre,
Un autre, lui, fass’ leur peu d’œuvre.

Les gens de peu sont des gens de peurs.
Peur qu’pauvreté, matin, se fass’ misère
Qu’au caniveau, d’main, i’s’retrouv’ hères
Et que sur l’trottoir leur fille elle erre.

dimanche 1 juin 2025

LE VIEUX BEAU

Petite fable affable

Il marchait, dans l’aube nue, avec élégance.
De bons chrétiens, même, disaient « avec prestance »
Car le poids des ans ne l’avait guère voûté,
La griffe du malheur que peu ridé, bouté
Vers de bien moins chanceux. Il n’est de justice !
Il portait beau encor’, quoique tous ses solstices
Se lisaient dans ses yeux. À le voir, on aurait
Dit qu’aux temps jadis il était prou arrimé,
Et en venait tout droit, en traversant les âges,
Sans encombre, quoi que personne ils ne ménagent.

Toujours tiré à quatre épingles, survivance
De ses beaux jours où pour créer des connivences,
On se faisait courtois et galant, il allait,
Matin, en son église et là, sans baratin,
Brûlait un cierge et priait, seul, en silence.

Il advint que le bedeau, quittant sa somnolence
Poussé par de pieuses bigotes n’aimant
Rien moins qu’à se sucrer le bec, et comment !,
De malsains commérages au dandy demande :
« De quoi pouvez-vous, au Très Haut, passer commande :
Vous avez la santé, l’argent et puis la beauté.
Il vous a comblé sans compter de ses bontés ? »

Avec un sourire poli, l’homme lui déclare :
« Je n’ai pas la foi qu’on vouait naguère aux lares,
Ni la piété si intéressée des gens :
Je lui dis simplement, toujours fort obligeant :
“Donnes-moi chaque jour la force de paraître
Ce que je ne suis plus
Jusqu’au jour où il faudra bien disparaître.
Moi, je n’attend pas plus”… »

dimanche 25 mai 2025

CE NE SONT MIE QUE MIETTES !

Petite fable affable

Au parc du Luxembourg, sur un banc roussi,
Des mamies rancies jettent du pain rassis,
Chaque jour que le Bon Dieu fait en ce monde,
Aux pigeons obèses qui n’en peuvent mais,
Qui las réclament toujours plus, car jamais
Rassasiés alors que la famine gronde.

Au parc du Luxembourg, sur un banc roussi,
Les mamies rancies pestent à voir aussi
Les moineaux affamés prendre aux grises ailes
Leurs miettes, les emporter et, mal dégrossis,
Les becqueter sans plus de diplomatie.
Elles s’en offusquent, le crient avec zèle.

C’est vrai que ce n’est pas juste, mes amies :
Contre les gros jamais les petits ne gagnent.
Sauf s’il y a émotion ou bien castagne,
Car ça va contre les fables, et pas qu’à demi,
Contre la loi, contre le droit, la cocagne,… !

Au parc du Luxembourg et ailleurs, sans doute,
On serait inspiré de se souvenir 
Qu’à nourrir les gros jusqu’à la banqueroute
On aiguise l’appétit des « sans avenir » !