Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

lundi 1 décembre 2025

LE BOUFFON DU BEFFROI

Petite fable affable

Miséreux, contrefait, le bouffi du beffroi 
Fait toujours fuir d’effroi, par temps chaud, par temps froid,
Patriciens et bonnes gens de la plèbe urbaine,
Leurs enfants effrontés pourtant comme moineaux.
Que sorte sa face de gargouille au créneau,
Et les punaises de sacristie crient leur peine ;
Les  poux de tonsure alors ne sont plus que haine.

« Mais quel mal a-t-il donc fait pour être si laid ? »
Murmurent les palais ; « c’est bête à marteler
À grands coups de galets ! » susurrent les chaumines.
Hérétique, sorcier ou juif ? Les langues vont
Bon train, le bourgmestre menant le bataillon
Et l'orchestre des sains clapets à bonne mine
Huant ce bonnet à grelots, cette « vermine » !

La peste frappa le bourg malgré le tocsin,
Tuant jusqu’à ses saints, n’affectant le malsain.
Face aux divins arrêts la justice des hommes
S’empara de ce fou : « Qu’as-tu fait de ta vie ?

- Rien, je le crains et, las, crois bien qu’on me l’envie.

- On la passe à suer, nous, pour l’honneur de Rome,
Et à prier, sans fin, en bon pépin de pomme.
Toi tu vis d'aumône donnée, de pain mendié
Dans quelque vieux trou par charité octroyé.

- C’est peu ! fait le fada que milles peurs tenaillent.

- Mais trop pour ce que tu es utile à ce bourg.
On te donne ce qui s’achète à grand débours
Et t’offre ce qui se gagne quand on travaille !
C’est injuste pour qui paie la dîme et la taille.

- Vous m’en voulez d’être libre quand, aux fers,
Vous êtes aux servitudes volontaires offerts ?
Regrettez-vous piété et pitié ?… Madone,
La jalousie guide vos rancunes et rancœurs !
Allons, moi le simplet, je n’ai à moi qu’un coeur.

- Qu’au divin courroux, à l’ire céleste on donne
Pour qu’enfin, de t’avoir choyé, il nous pardonne ! »

On sonna ainsi le glas de ses jours par feu
Et flammes sans qu’il plaise, hélas, à leur Bon Dieu
D’éloigner son fléau pesteux de cette ville
Où des pauvres reprochent à un vil miséreux,
Que Nature avait fait encor’ plus malheureux,
Le tant maigre bien que récoltait sa sébile
Et ce qu’il moissonnait des mains les plus civiles.

La convoitise nous fait perdre humanité
Et, dans les pires maux, toute fraternité…

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