Petite fable affable
L’animal sauvage est le pire des périls !
Mais le fauve hirsute qui guette nos faiblesses,
Pour nous planter serres ou dents dans le nombril,
Est-il plus dangereux que ceux qu’on tient en laisse ?
Un soir, Bonhomme l’Ours et Compère le Loup,
Ensemble, ourdirent un vrai plan de filous :
Razzier une ferme, de leur forêt voisine,
Où l’on faisait une fort goûteuse cuisine.
Après avoir, sans mal, digéré de concert
Tout le poulailler, ils prirent pour leur dessert
Qui le veau, qui la truie du métayer en fuite
Les assaisonnant, au besoin, de quelques truites.
Repus comme moine en carême, nos larrons
Retournèrent à leurs pénates en lurons,
Leur affaire ayant tout lieu de les satisfaire.
Le hasard leur donna l’occasion de parfaire
Leur forfait car, là, à la croisée des chemins,
Ils trouvèrent, venant, conduits par un gamin,
Une vache et un porc partant pour quelque foire.
Amis à la mort, à la vie, les bêtes noires
Jouent de la mâchoire. L’enfant piqua des deux.
Mais pas les lourds bestiaux au regard cafardeux.
Nulle menace, nul cri, quoique redoutable,
Ne semblait effrayer ce doux gibier d’étable…
Enfin, la vache dit à son lourd compagnon :
« Je crois bien, mon Ami, que ces deux gros grognons
Ignorent qu’il suffit que je joue les fofolles
Pour que tous les Hommes, d’un seul élan, s’affolent
Et transforment toute leur campagne en charniers
Et brasiers sans oser me manger, résignés ! »
Nos prédateurs n’ont pas vu qu’une poule rousse
Complétait le duo. Et parlant comme on glousse,
Elle ajouta : « Ah, ma Bonne Amie, et moi donc :
Si je tousse, râle ou éternue, tous les joncs,
Tous les troncs, deviennent suspects. Nul ne m’approche :
Les oiseaux ont la paix, finis fusils et broches ;
On fuit jusqu’au duvet que perdent les oisons ! »
- Et quand c’est moi, fit le verrat, ça me fascine :
La moitié du Monde panique et se vaccine ! »
Et nos proies vont, toussant ou sautant, c’est selon,
Sous les yeux des lascars qui ont mal au côlon
En songeant à cette si bonne chère faite,
Tantôt, dans la ferme qu’ils ont si bien défaite !
Sans soupçonner d’avoir été bécassinés,
De peur d’être à leur tour minés, contaminés.
Depuis, ils fuient l’Humain ou son cheptel, et quêtent
Potions et piqûres dès qu’ils croisent une bête !