Petite fable affable
D’après Nadim Kalife, homme d’affaires, économiste et enseignant togolais.
Un beau matin, au village,
Un jeune homme blanc apparut,
Il haranguait par les rues
Racolant à l’étalage :
« J’achète des chimpanzés
Pour dix dollars bien pesés ! »
Tous les hommes disponibles
Chasseurs dans l’âme, voués
Pour l’heure aux travaux pénibles
Des champs, pour se renflouer
Sans se creuser les méninges,
Partirent chasser le singe.
Autant qu’ils en ramenaient,
L’homme payait somme dite.
Plus besoin de jardiner.
Mieux, travailler discrédite
Jusqu’à ce que les forêts
Soient vidées par trop de rets.
La saison des pluies fut rude
Car les champs abandonnés,
Au rebours des habitudes,
N’avaient pu guère donner.
C’est le gain, car le grain manque,
Qu’il fallut croquer, saltimbanques !
Avec la belle saison,
Le Blanc revient et propose,
Pour chaque singe en prison
Quinze dollars. Peu s’opposent.
On va plus loin en forêt,
Faire tomber les couperets :
Le chimpanzé se fait rare
Désormais dans ces contrées.
Pourtant on s’en accapare,
Payés à peine montrés.
L’été partit avec l’homme ;
On dilapida ses sommes.
Pourquoi penser à demain ?
On pouvait faire fortune
Sans travailler de ses mains
Et acheter d’opportune
Façon ce qui fait défaut.
Au diable, araire, houe et faux !
L’homme, à la saison suivante,
Donne jusqu’à vingt dollars
Par bête. Offre motivante :
Personne ne fait de lard,
Courant les bois et la brousse,
Affrontant toutes les frousses.
Le pays vint à manquer
De singes : on fit la guerre
Aux voisins. Le Blanc banquait
Au double, ne comptant guère…
Partit chercher de l’argent,
Il laisse là son agent.
L’affidé qu’on pensait sage
Car il ne parlait jamais
Dit aux gens de ce village :
« Je sais, vous n’en pouvez mais :
Les bêtes ont peur et se cachent.
Ce Blanc vous tue à la tâche ! »
Puis « Si vous m’achetez
Ces animaux mis en cage
Par vos soins, sans caqueter,
Pour cent dollars, je vous gage
Que mon patron, néanmoins,
En paiera cent trente au moins :
Il est riche mais candide ! »
On fit affaire, enjoué,
Savourant le bénéfice
Autant que le tour joué,
Puisant jusqu’au sacrifice
Dedans tout ce qu’on préserve,
Épuisant toute réserve…
Mais cet agent disparut
Après ce vil grenouillage.
Pis, le Blanc ne reparut
Jamais, laissant le village,
Seul, vivre une faim sans fin,
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