Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

jeudi 29 décembre 2011

LE MORDANT DU PETIT MÂTIN

Petite fable affable

Un roi, comme tout homme de bien,
Avait un mâtin pour bon gros chien.
« Mâtin, qu’il est mastif pour son âge ! »
Pensaient sa Cour et son entourage
Qui redoutaient les crocs du mastoc :
Dès mâtines, il avait la dent dure,
Et la phrase qui taille le roc
Qu’il fasse verdure ou bien froidure.

Ce bougre, qui se croyait mâtin,
Aimait briser, casser, en découdre,
Jouant, cabotin, d’un baratin
Qui frappait fort, comme faux et foudre.
Comme il s’acharnait, tel un vrai roquet,
Chacun cachait ses maux, ses hoquets
Par peur de ses mots ou de ses mines,
D’incisives remarques… canines !

Lui se croyait très spirituel
Quand il était simplement cruel,
Méprisant, bas ou bien vulgaire :
Ce qui fait rire vilains et hères
Est toujours bon pour le souverain :
Ces rires lui donnaient le courage
De s’en prendre à toujours plus de reins,
D’y défouler sa hargne et sa rage.

Ce chien, en outre, se pensait beau
Bien qu’il ait une face de fesse ;
Mieux, il jurait, jouant du jabot,
« Jamais ne me lasse de ma laisse ! »
Il oubliait, comme tout nourri,
Qu’il n’aurait pas eu un grain de riz 
À mettre dans l’eau de sa marmite
Sur son seul talent et ses mérites.

Mais il le sentait. Et plus altier,
Il mettait le dentier tout entier
À blesser, ayant acquis l’aisance
Qu’on a à force d’insuffisances.
Avoir des amis, être bien né,
User de facilités pour plaire,
Mènent plus loin qu’avoir dons innés,
Travail parfait ou vie exemplaire.

Mais à peuple déçu, roi déchu.
C’est ce qu’un matin, ce vieux royaume
Connut. Notre mâtin fut fichu.
Il redevint un simple Guillaume,
Remisant ses crocs au râtelier.
Rongeant frein et os, sans nul collier.
Depuis, il mâche d’autres ordures
Que celles qu’aima sa dent si dure…

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