Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 1 juin 2025

LE VIEUX BEAU

Petite fable affable

Il marchait, dans l’aube nue, avec élégance.
De bons chrétiens, même, disaient « avec prestance »
Car le poids des ans ne l’avait guère voûté,
La griffe du malheur que peu ridé, bouté
Vers de bien moins chanceux. Il n’est de justice !
Il portait beau encor’, quoique tous ses solstices
Se lisaient dans ses yeux. À le voir, on aurait
Dit qu’aux temps jadis il était prou arrimé,
Et en venait tout droit, en traversant les âges,
Sans encombre, quoi que personne ils ne ménagent.

Toujours tiré à quatre épingles, survivance
De ses beaux jours où pour créer des connivences,
On se faisait courtois et galant, il allait,
Matin, en son église et là, sans baratin,
Brûlait un cierge et priait, seul, en silence.

Il advint que le bedeau, quittant sa somnolence
Poussé par de pieuses bigotes n’aimant
Rien moins qu’à se sucrer le bec, et comment !,
De malsains commérages au dandy demande :
« De quoi pouvez-vous, au Très Haut, passer commande :
Vous avez la santé, l’argent et puis la beauté.
Il vous a comblé sans compter de ses bontés ? »

Avec un sourire poli, l’homme lui déclare :
« Je n’ai pas la foi qu’on vouait naguère aux lares,
Ni la piété si intéressée des gens :
Je lui dis simplement, toujours fort obligeant :
“Donnes-moi chaque jour la force de paraître
Ce que je ne suis plus
Jusqu’au jour où il faudra bien disparaître.
Moi, je n’attend pas plus”… »

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