Édito à la façon RuedesFables,
d’après « Perdu de vue » de Philippe X dit Loup-Zen
J’ai une vie de trêve dans un pays de grèves et des rave party où l’autochtone potelé et cauteleux est adepte du velours côtelé couleur terre labourée parce que ça fait vraiment rural et de l'éternel chandail feuille-morte qui n’est pas à la mode pour ne pas avoir besoin de se démoder. Faut pas gaspiller. Ici, le rêve et la folie douce sont les indispensables échappatoires à l’équilibre précaire d’un caractère en or. Et, sur ce plan-là on ne prête pas qu’aux riches… bien au contraire : passent pour pauvres d’esprit les nantis de cette tare, bâtisseurs de châteaux en Espagne ou rêveurs sans trêve d’un Orient qui désormais crève. Seul le royaume des Cieux leur est promis. C’est le rêve au siècle des rêves partis !
Dans ce pays de cocagne où je me cogne aux réalités dès mon réveil et qui vous laisse songeur, il est une sous-préfecture. Nul n’est parfait. Et dans cet Eldorado-là, aimable petit cimetière sent bon la poussière des habitudes usées et la cendre des souvenirs inutiles, portant en lui tous les désespoirs d’une nation en quête de résurrection, est sis une administration. Je sais : le cauchemar n’est pas loin ! Étant, ce jour-là, dans la lune, mais je ne sais plus de qui - une créature de rêve, sans doute - et n’ayant plus de nuage à attraper dans les profondeurs du ciel, je m’y rendis. Idée saugrenue, mais il faut aller jusqu’au bout de ses rêves. Coûte que coûte.
Une file d’attente de doux rêveurs, lassés de faire de beaux rêves, gens du genre Sans Difficulté Financière - les S.D.F. du lieu - s’était formée au guichet. Exceptionnellement ce jour-là leur était réservé. Quel rêves venaient-ils caresser en ces lieux austères laissant de bois au lieu de cajoler leurs épouses et maîtresses ?… L’espoir d’une vie meilleure, prétendant à une quelconque manne distribuée par un plus riche qu’eux ou un État plus pauvre qu’œufs ?… Ce serait là rêver tout éveillé mais tant que ça ne coûte pas… Ils étaient logés, pour l’heure, à la même enseigne que les propriétaires d’intestins paresseux (les Sans-Papiers toilettes du coin) qui, en songes-creux qui n’ont pas le ventre du même tonneau, rêvent tout éveillés leur rêve américain en ce pays-ci.
L’entrée de cette officine officielle, pavoisée aux couleurs tricolores tricotées main, se faisait par l’arrière boutique. Logique administrative, sûrement. Inventée par celui qui créa « la simplification » du même nom. Sur une pancarte, signalétique antique, on pouvait lire :
« Rêves perdus : Service ouvert tous les jours- sauf du lundi au samedi.
Rêves trouvés : Service ouvert en dehors des heures de fermeture.
Pour tout renseignement, contacter le service idoine, ouvert tous les jours de la semaine sauf les Lundi, mardi, mercredi, jeudi, et vendredi.
Les week-end, le service sera exceptionnellement fermé
Merci de votre compréhension. »
Un malotru, pour réaliser un vieux rêve sans doute ou parce qu’il bayait à je ne sais quelle corneille dans une distraite file d’attente précédente, avait osé remplacé, à l’étourdi, le R du mot « Réception » par un D ce qui laissait à penser qu’il avait fini de rêver, lui, quand d’autres dormaient encore debout, penseurs pansus reniant chimères et pairs pour vivre des rêves aseptisés.
Une fois entré dans ce haut lieu pénétrant, moi qui ai les pieds sur terre et la tête dans les étoiles, je croise nombre de personnes sombres qui semblaient être préoccupées par le fait de ne pas se marcher dessus, j’entends sur leur propre ombre. Or, il n’y avait plus de lumière dans le couloir. Restrictions budgétaires. Pardon, « louables économies en vue d’inciter au Développement Durable » et sauver une planète à laquelle on a refusé l’entrée au pavillon de soins palliatifs car son état était désespéré. Elles soliloquaient en regardant le sol, les mains dans le dos, courbées sous le poids des heures qui passent et vaincues par un temps perdu recherché en vain. Pis, elles feignaient de ne pas m’entendre leur poser la question qui dérange quand l’ouvrier de la onzième heure cherche midi à quatorze heures ou à sa porte : « Excusez-moi, je voudrais un renseignement ».
Un retraité en vacances qui n’avait pas une minute à lui, comme nombre de ces gens-ci dans ce cas-là, me répliqua sur un un ton rogue qui me laissa songeur : « Vous voulez un renseignement ? Eh bien servez-vous ! »
- Oui mais :… où ? Répondis-je aussi paumé qu’une laitue d’antan.
- Au service des renseignements des rêves retrouvés. Fermez bien la porte en sortant : il y a des rêves enfuis qu’on ne voudrait pas avoir à chercher. On n’a pas que ça à faire, monsieur ! » fit mon péremptoire interlocuteur qui avait tout l’air d’un exécuteur. Et pas testamentaire.
Sur un présentoir qui présentait mal, il y avait pèle-mêle toutes sortes de formulaires, correspondant à ce que l’on peut faire quand on a le monde à refaire ne pouvant défaire celui-ci : retrouver les rêves partis en fumée, vivre ses rêves, lutter contre les rêves irréalisables, l’interprétation des rêves, vivre ses rêves de jeunesse,…. Je me dis sans passer par la Lorraine avec mes sabots parce que c’est à l’autre bout du pays vu à travers le plus petit bout de ma propre lorgnette, le nez en l’air et respirant à grandes goulées le temps qui passe, que tout cela était aussi illusoire : administration et administrés confondaient « rêver » et « rêvasser » ce que seuls savent peuvent faire les poètes - et les marchands de fables - sans que cela ne mène à rien… sauf à la maison de ses rêves. J’y retourne donc !
Rêveusement vôtre…
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