Petite fable affable
Dans le même vieux chêne cohabitaient
Trois rapaces cousins ne vivant qu’à la nuit
Le jour n’apportant à ceux-ci que de l’ennui.
Au faîte de l’arbre et des choses, ouhouhouhtait
Un Grand-Duc. Érudit, passant pour philosophe,
Il avait tout lu et, insolent comme un sot,
Citait ses lectures à la première apostrophe
De ses congénères en quête d’un vermisseau
Ou d’une réponse à leurs questions intrinsèques
Celles qui taraudent, las, jusqu’à vos obsèques.
À mi chemin de la futaie et du pédant,
Nichait un Moyen-Duc qui savait ses Classiques,
Et jugeait cela fort suffisant cependant
Pour se promouvoir Grand Penseur. Ce narcissique
Faisant profiter tout un chacun dans ce bois,
Vaniteux comme un fat, de ses vains clabaudages.
Abrupt, il disait son fait à l’être aux abois
Comme au plus serein, et ce quel que fut son âge
Ou son rang sans même qu’on le lui demandât.
On ne goûtait guère aux mots de ce grand fada.
Sous ces Maîtres, plus bas, logeait, un Petit-Duc
Qui avait beaucoup vu et en tirait sagesses
Qu’il prodiguait à qui le voulait, par largesse.
Les étagés l’avait surnommé « le Trouduc »
Car on écoutait ce minus, plus qu’eux. Parole !
Ce vil ignorant se refusant à médire
Et juger s’octroyait, sans fard, leur si beau rôle.
Les souris venaient à consulter - C’est vous dire ! -
L’aimable vieillard humble, toujours content,
Par caractère, non par vanité. Constant.
La dignité des plus outragés en posture,
Excédés, ses deux pairs, usant plus de raisons
Hélas, que de Raison, crièrent à l’imposture.
Ils voulurent donc le chasser de sa maison
Mais en forêt, le for intérieur des bêtes
Est mieux remparé, face à de tels assauts,
Que le nôtre : on se mobilisa, on tint tête
Aux chouineurs… « Pourquoi ? » firent-ils par sursaut.
« Mais parce qu’il est plus beau d’éclairer, chers confrères,
Que de briller* ! » répond « le Trouduc » téméraire.
* Notre Petit-Duc avait donc au moins lu St Thomas d’Aquin… à moins qu’il ne l’ait inspiré !
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