Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

lundi 23 décembre 2019

LES MILLE & UN ENNUIS

Petite fable affable

Dans l’atelier du maître artisan,
Le doigts des cousettes courent comme alezans,
Car cet ours à demi léché, l’humeur sanglière
N’est fort généreux qu’en fait d’étrivières,
Saillies cruelles au ton qui ébaubit,…
Il est, las, force gens de cet acabit
Qui aiment que l’on se tienne à « sa place »
C’est-à-dire coi et clos, soumis jusqu’à l’angoisse.

Il se disait patron de profession
Mais se savait poltron de complexion.
Il gagnait, comme affamé de fortune,
Sans dol et sans mal, son pain et sa thune
Non au front dur d’habiles ouvriers
Mais de sages ouvrières vrillées,
Sans fin, jusqu’à plus faim, à leur aiguille
Et qu’il houspillait fort pour des broutilles.

Esclaves n’étaient pas plus mal traités,
Mal payés ni moins baguettés,
Que filandières et tisserandes
Qui n’avaient pour salaire que l’offrande
D’un pichet d’eau et d’un clair brouet
Pour jouer du métier, du rouet,…
Toujours à se dépêcher, en silence,
De peur d’être dépêchées pour insolence.

Ces modernes Parques au destin tramé,
N’étaient pourtant hélas guère à blâmer,
Mais cet éclopé du cœur, l’air maussade,
Rechigné, sourcil farouche en façade
N’avait pour elles en bouche, chartier,
Qu’invectives de Grève et l’entier
Lexique des Halles. J’avoue qu’un homme, 
Ici, eut mis poing final à la somme !

Si pour celles qui tant lui garnissaient
L’éventaire et l’étal sans bruisser
Des mâchoires, il n’avait rien à dire
Ni redire, il aimait donc à médire 
Et maudire, pour attirer chaland
Et conserver pratique, le mot lent,
Il adonise son vocabulaire
Et courbe le dos à sa grammaire.

Or passe le ratichon du lieu,
Alerté par un atrabilieux
De ses paroissiens que manières
Du singe, indigne de crapaudière,
Incommode quoiqu’il soit païen…
Et, pour lui hélas, son mitoyen.
Le cureton interpelle, sans frousse,
Le malotru que tout courrouce :
« Maître artisan que sont ces mots qu’on oit
Céans aux dires de forts bons bourgeois ?

- Le fruit de l’ire que ces fainéantes,
Restant tout le jour la bouche béante
Et les doigts désoccupés font venir
Au plus honnête des croyants, Mon Père.

- Offense le Très-Haut qui vitupère !

- Mais c’est qu’elles ne font que malfaçons,
Salissures et gâchis à l’unisson
Pour tout ouvrage que, bénin, je donne.
Il n’y rien là qui ne se pardonne.

- Pas aux yeux des clients, malcontents
De tout, même de prix près du néant.

- Alors pourquoi ne pas faire toi-même
Ce beau travail que tant elles malmènent ?

- C’est qu’hélas, je l’avoue sans passion,
Sous sceau de sainte confession,
Je n’saurais le faire qu’à la diable…

-Tu les juges mais tu es un incapable
De les égaler ?!… Aveu qui déplaît
Aux cieux, voilà donc où est la plaie !
N’exige plus d’autrui, Scolopendre,
Que des services qu’il peut vraiment rendre ! »

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