Au vieux soir d’un printemps nouveau,
Dans le lit creux d’un caniveau,
Où cœur, yeux, âme se cloisonnent,
Une fleur, là, détonne, étonne.
Venue seule, d’on ne sait où,
Elle a donc fleuri malgré tout.
Aujourd’hui, elle s’abandonne,
À mon regard perdu se donne ;
Elle semble offerte au présentoir
Du polochon froid d’un trottoir.
Déboutonnant ce qu’on goudronne
Et décousant ce qu’on bétonne,
Elle casse ce qui est construit
Comme ça, sans cris et sans bruit…
Le temps se tait et se défile :
La nuit s’est couchée sur la ville
Qui, pas tout à fait endormie,
N'est plus tout à fait éveillée.
Elle rêve, dans cette accalmie,
D’horizons désembouteillés,
Sur un oreiller de bitume,
Sous des draps d’ombre et d’amertume.
On est loin du noir de caveau,
La pénombre est en écheveau,
Sous les néons qui tourbillonnent
Aux rues qui ronchonnent, ronronnent.
Si les lumières sont partout,
Cette fleur garde éclat sur tout ;
Rien, ici ne la désarçonne
Et personne ne l’impressionne.
Entre poubelle et dépotoir,
La simplicité en sautoir,
Dans le soir qui nuit et charbonne,
Elle rayonne, elle crayonne,
De feuilles d’or et d’ambres fruits,
L’asphalte bleui de la nuit.
Le temps s’affaire et il défile.
La nuit vient de quitter la ville ;
Elle n’est plus vraiment endormie
Et pas tout à fait réveillée.
On s’habille l’anatomie,
On babille pour s’abeiller.
La rue bourdonne en gris costume,
Bougonne comme de coutume.
Les gaz mettent l’air au cuveau
Les sens, les nerfs en godiveau.
Le vent venu qu’on empoisonne,
Que les grands boulevards emprisonnent
Souffle, sue, s’insinue partout ;
Il a éteint la fleur, itou.
Sous les nuages qui grisonnent,
Où des fumées de mort moutonnent,
Un clocher sert de noir butoir ;
Son bourdon, du Ciel fier heurtoir,
Annonce sa mort et résonne
Sur un monde que rien n’ordonne :
La vie passe, bref usufruit,
Qui, trop vite, déjà s’enfuit…
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