Ma mère, ouvrez donc les rideaux
Préparez festin et cadeaux,
La vie ne m’est plus un fardeau,
La peine m’ôte son bandeau
J’aime un joli godelureau,
Pas un de ces blessants blaireaux,
Passereaux se voulant taureaux,
Mais un hobereau qui, tourtereau,
Pour la fille d’un pastoureau,
Allume, entour, feux et flambeaux
Car tout cœur a son bourreau
Et toute dague son fourreau,
Et lui, de tous, est le plus beau.
Ma fille, un peu moins d’allégresse !
À ton âge, il n’est point de presse
De quérir nuptiale adresse.
Ce mignon-là ne s’intéresse
Qu’à ta chasteté de prêtresse.
Tu ne connaîtras que détresse
Si, par amour ou maladresse,
Tu succombes à son jeu d’adresses.
Ma mère, quittez vos fourneaux
Et achetez-moi des anneaux
D’or, un riche et vieux bigorneau
Est bien tombé dans mon panneau.
Il veut m’épouser, l’étourneau,
Pour jouer au vil tyranneau,
Ce vilain tasteur de tonneaux,
Avec fille d’hors les créneaux
Qui, elle, a les cheveux pruneau.
Il l’aura dans le bobineau
Et finira seul, chemineau,
Quand je m’envolerai, moineau,
Avec ses écus, en traîneau.
Ma fille, c’est voie vampiresse
Pour passer de la chasseresse
À la maîtresse que l’on graisse
Pour plus d’ivresse enchanteresse,
Non à l’épouse qu’on engraisse
Devenant une emmerderesse.
Patience n’est pas paresse
Et les vieux ce qu’ils paraissent…
Ma mère, posez votre seau
Et préparez-moi mon trousseau.
Un fort joli jouvenceau,
Est descendu d’un vaisseau
Avec des quidam en monceau.
Il n’est pas l’enfant d’un ruisseau
Sans causer cuisseau, vermisseau,…
Il m’a offert fleurs en faisceau,
Peint des ciels bleus en arceaux
Avec des mots pour tout pinceau
Et parle, déjà, de berceau :
Ce puceau n’est pas un pourceau,
Il porte de l’Amour le sceau !
Ma fille, un peu moins d’allégresse !
À ton âge, il n’est point de presse
De quérir nuptiale adresse.
Ce marin n’en veut qu’à tes tresses,
Reste-lui une forteresse.
Surtout méfie-toi, ma tigresse,
De paroles, flèches traîtresses,
Qui traquent les pécheresses.
Ma mère, quittez le troupeau,
Mettez vos plus beaux oripeaux,
J’ai, ce n’est pas du pipeau,
Un savant qui m’a dans la peau.
Il n’a rien sous le manteau,
Pas de biscoteaux ni château,
Mais beaucoup dessous le chapeau ;
S’il n’a jamais vu un marteau
Et se coupe avec un couteau,
Quand il monte le chapiteau,
Me fait sauter le loqueteau
Hissant le drapeau au poteau,
Moi, je sais ce qu’est le plateau.
Ça change de ces louveteaux !
Ma fille, vite, la caresse
De dix doigts doux qui s’empressent,
Passe ; alors les mains, mal, oppressent.
Loin des premières tendresses,
Pressante, l’étreinte t’oppresse,
Et te comprime, et te compresse,
Alors que la bouche, en ogresse,
Ne se fait plus demanderesse.
Ma fille, un peu moins d’allégresse
À ton âge, il n’est point de presse
Et au mien, plus que sécheresse…
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