Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

vendredi 5 septembre 2014

LA MULE VALANT SEPT CHEVAUX

Petite fable affable


Paul qui faisait le Jacques dans un bureau,
Une ad-mi-nis-tra-tion, là-bas, à la ville,
Venait, une fois l’an, aimable et servile
Comme sait l’être à son heure le bourreau.
Ainsi, avec des manières fort civiles,
Il jaugeait l’embonpoint, jugeait la santé 
De son héritage et de l’être buté
Qui ne le lui avait pas légué encore.
C’est qu’elles ont la peau dure les pécores !

Ce n’était pas que cet insigne robin
Manquât de pécunes, aimât la campagne
Ou eût quelconque nostalgie des lopins
Où avaient couru ses culottes d’Espagne :
Il préférait, de très loin, les sous qu’ils font
À la sueur qu’il faut pour en faire un fonds.
Il voulait offrir à sa compagne, une Ève,
Une vie sans peine ni labeur, un rêve.

Voilà pourquoi il retrouvait monts et vaux.
Ce jour-là, il parla à son vieux père,
De son tout dernier achat : sept chevaux,
Quatre cylindres,… La même que son beau-père !
« Sept chevaux, dia : ça en tire des charrues !…
Tu dois en avoir des terres dans ta rue !
- C’est la puissance du moteur, mon cher père :
C’est moderne, à la mode et ça fait prospère.

- Oh, excusez du peu ! Reprit l’Ancien
On veut faire jaser voisins et voisines ?!
- Oh toi, tu regrettes les Capétiens,
La cabane au fond du jardin, la draisine,…
- Peu me chaut, fiston, ta mode et ton progrès :
L’une vous rend moutonnier à son gré,
Quant à l’autre, il joint, par trop, le futile
Au désagréable et nous rend infantile. »

On clôt, sur cet arrêt sans aménité,
Une journée mémorable mais indigne
De finir souvenir à ébruiter.
La sept chevaux repartit donc par les vignes,
Pour la ville, laissant, là, le vieux, las.
Pas longtemps car elle chut, trois fois hélas,
Dans un étang, sans dommage pour le rosse,
À Dieu ne plaise. Par contre, son carrosse…

Il revint au logis paternel, penaud,
Chercher une aide qu’il obtint sans querelle.
« Vise un peu ce qui te tire du guano :
Une mule à la silhouette grêle,
Démodée, arriérée,… fit le vieux.
Elle vaut tes sept chevaux, et en mieux :
Bourrique ne me foutra jamais, la carne,
 À l’eau moi, quoi qu’à tes yeux elle incarne… »

C’est donc par le train, que le fils, fort trempé,
Regagna ses pénates. Et c’est la mule
Du père qui lui permit de décamper ;
Celui-ci le quitta sur une formule :
« N’aie que ce qui est utile à tes besoins,
Rien de plus, ni de moins, le reste est foin
Pour mener les ânes bâtés que nous sommes,
Nous qui nous croyons, ici-bas, des Hommes ! »

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