Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

dimanche 29 mai 2011

ELLE A FRIT, ELLE A TOUT COMPRIS !

Cycle historique
À celle qui s'est éteinte longtemps après sa mot !
Les filles d’Ève en font, aujourd’hui, tout un drame
Car « la moitié du ciel » aux yeux des Historiens,
« Est de peu d’intérêt » sinon, pis, « bonne à rien » !
Il fut des femmes qui étaient tout feu tout flamme,
N’ayant pas froid aux yeux, non plus qu’au restant, Dame !
Ainsi Jeanne d’Arc, la bergère sans renom,
Fragile comme le cristal du même nom,
Qui rêvait, frêle enfant, d’un jour brûler les planches
Et s’enflammait à l’idée que la France flanche
Sous les coups des Anglois, butors sans foi ni loi,
Et des bœufs bourguignons de si mauvais aloi.
Aussi l’oiselle, loin de ses bestiaux, se taille
En chantant haut et fort, prête à livrer bataille :

« Quittons nos blancs moutons et boutons, oui, boutons
Ces avortons d’Anglons au-delà des pontons.
De Dieu c’est le dicton : “Boutons, battons, mettons
À croupetons Saxons et Grand-Bretons, ton, ton !” »

Sûre de sa geste, fort preste et le pas leste,
Elle alla à Chinon, y dénicher un roi,
Puis china, sans chichi ni chignon, les Anglois
Et avec force gnons, les secoue, les moleste
Parce qu’elle avait ouï la requête céleste
D’un vieux barbu ventru, amateur d’ingénues.
On l’avait prévenue : « Parl’  pas aux inconnus ! »
Faisant feu de tout bois, elle se taille sa route
Et met l’envahisseur, aux abois, en déroute,
Attisant la foi des siens, toujours droite et debout !
Brûlant la chandelle, dit-on, par les deux bouts,
Toujours elle entonnait ce qui devint son hymne
Que reprenaient en chœur ses soldats, unanimes :

« Quittons nos blancs moutons et boutons, oui, boutons
Ces avortons d’Anglons au-delà des pontons.
De Dieu c’est le dicton : “Boutons, battons, mettons
À croupetons Saxons et Grand-Bretons, ton, ton !” »

Mais la gloire est feu d’paille qui jamais ne dure :
La vierge farouche fut jetée au cachot
À Rouen, où l’on sait tous qu’il ne fait pas chaud
Car les Rosbifs voulaient cette Arc pour la soudure 
- Et l’eurent ! - tant elle leur menait la vie dure.
Ell’ déclara n’agir que sur ordre divin,
 Aussi le vieux Cauchon dut en quitter son vin
Pour forcer l’oiselle, chrétienne de baptême,
À ne point blasphémer, sous peine d’anathème,
Et démontrer, aux yeux de tous, sa duperie.
Mais cette peste lui rit au nez et lui crie
Alors qu’les geôliers la questionnent de plus belle
S’attendant à c’que cett’ fille, paniquée, bêle :

« Quittons nos blancs moutons et boutons, oui, boutons
Ces avortons d’Anglons au-delà des pontons.
De Dieu c’est le dicton : “Boutons, battons, mettons
À croupetons Saxons et Grand-Bretons, ton, ton !” »

Pas près d’lui déclarer sa flamme, il va sans dire,
Le mitré réclama des cancres de couvent
Pour instruire en procès ce cas bien énervant.
La Têtue n’abjura ni sa foi, ni ses dires,
Au risque du bûcher, au péril du maudire
Douchant les moinillons tout de perplexité,
Aussi la rumeur mit en branle la cité.
 Le gros Cauchon fumait : « Attention, cénobites !
Une telle fille, par Dieu, Satan l’habite ! »
Alors ils la dirent et sorcière et catin,
Lui promirent la mort pour le petit matin
Mais Jeanne, confite en dévotion, en rajoute
« Mes Pères, oyez-moi : pour bien clore la joute,

Quittons nos blancs moutons et boutons, oui, boutons
Ces avortons d’Anglons au-delà des pontons.
De Dieu c’est le dicton : “Boutons, battons, mettons
À croupetons Saxons et Grand-Bretons, ton, ton !” »

Comme elle s’est grillée à jouer les mystiques,
On va donc l’allumer sans l’avoir ramonée ;
Ainsi, elle mourrait asphyxiée, condamnée
Et pis, damnée, par sa fin apocalyptique.
Voilà comment on fit rôtir cette hérétique :
La bleue fut saisie à point puis on l’a montée
Au poteau et lui mit le feu au fion, bonté !
Ainsi elle expia, dans l’état d’innocence
Qu’elle avait conservé du jour de sa naissance…
Elle voulut descendre - et elle en eut, l’Effrontée ! -
Alors qu’autour du feu, on dansait et chantait
Sur l’air qu’avait légué la martyre fortuite,
Celle qu’ils n’avaient pas crue et qu’ils ont donc cuite :
« Quittons nos blancs moutons et boutons, oui, boutons
Ces avortons d’Anglons au-delà des pontons.
De Dieu c’est le dicton : “Boutons, battons, mettons
À croupetons Saxons et Grand-Bretons, ton, ton !” »

La bergère en fumée, la paix et la quiétude
Revinrent à Rouen avec, en sus, nous dit-on
La guerre, les Anglais et tous leurs rejetons…
Une fois libérée de cette servitude,
Cette ville oublia ces vieilles turpitudes
Mais, toujours, Clio lui ressortait d’un carton
Comment s’éteignit, feue la Jeanne au blanc menton.
Puis, coup de théâtre, au siècle où coulait l’absinthe
Voilà la pucelle qui nous finit en sainte
Par la volonté d’un vieux pape apitoyé
Pour qui femme, à jamais, doit rester au foyer…
Quand, Jeanne, on l’oblige à bûcher ta fin amère
Le bellâtre allumé barytonne à sa mère :
« Quittons ces moutons qu’on tond, boudons et boutons
Coups de bâtons, coups de satons ; au loin, jetons
Baston, Anglons, Cauchon,… Pistons, chantons, fêtons
Les tendrons et les thons et puis fautons, tons, tons !
Quoi qu’en disent Pluton, Teutons, Caton, Platon,…
N’soyons pas des gitons mais fous et mirlitons :
Vivent les tétons, les boutons et les festons !
 Oui, par tout le canton, ôtons soies et cotons
Et pelotons les cons en peloton, ton, ton !
 À tâtons, en glouton, tâtons, goûtons, têtons
Jouvencell’ et croûtons à capitons, Tonton  ! »

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