Petite fable affable d’après L’indien & le tigre
d’A.-Fr. Le Bailly (1756-1832), Fables nouvelles divisées
en quatre livres et faisant suite au volume publié en 1811, 1823 (I, 8)
Un brahmane vint à perdre, hélas, son père.
Comme il est d’usage en sa lointaine contrée,
Il lui dresse un bûcher, à l’abri des vipères,
Sur un rocher et y met, sans pleurs montrer,
Le feu. Lors, comme la tradition l’exige,
Sa mère se jette au brasier, en lige
Hommage. Il n’est d’âge pour se sentir
Orphelin. Il l’est doublement. Sans mentir.
Quand n’est que fraisil en la sépulture,
Notre homme, en larmes, quitte les lieux,
Fourbu, le dos brisé de courbatures,
D’avoir, sans dormir, prié ses dieux,
L’âme rompue par la douleur, amère
D’avoir ainsi perdu, d’un coup, père et mère.
Il n’a pas fait trois pas, quand, consterné,
Il oit bruits qui le font se tourner :
Des singes profanent la demeure ultime
De ses parents. Il écume de courroux…
Mu par une ire plus que légitime,
Ramassant un bâton, il assaille et roue
De coups tous ces crapoussins, ces vandales,…
Il joue autant du bois que des sandales.
À sa merci, on implore son pardon
Et on demande grâce à son bourdon.
« Fais-nous tes esclaves pour ton humeur
Apaiser et réparer nos erreurs :
Nous ne sommes que regrets et remords »
Le sage refusa d’un mot fort peu tendre :
« Quel respect des vivants peut-on donc attendre
De qui ne respecte la cendre des morts ? »
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