Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

lundi 13 décembre 2021

LA SUBLIME APPARITION

Petite fable affable d’après V.-A Arnault, 
La statue de neige (Fables, III, 13), 1812

Cette nuit, il floconna - c’était prédit ! - 
Sur nos masures et sur le poulailler.

Or, au matin,  la volaille a beau piailler 
Pour admirer sans fin ce spectacle inédit,
On tarde à libérer ces ergots et ces crêtes
Qui enfin lâchés, frappés de stupeur, s’arrêtent.
Miracle ou mirage : une forme faite de neige
Trône au cœur de la cour. Tout autour, on s’agrège,
On s’ébaubit et commente, oubliant le froid.
« Ah, jamais statue ne fut plus belle, je crois !
S’exclame une oie.

- C’est marbre digne de l’Antique !
Confirme une poule.

- Sculpturale plastique !
Ajoute une de ses soeurs qui part fouailler.

- Quel ciseau, quel burin ce chef d’œuvre a taillé !
Rajouta le paon piteux. J’en rougis de rage !

- Quels esthètes vous faîtes ! Causez pâturage
Et serpolet mais pas “art” : Un rouge bonnet
Sur des boules superposées, avec pour nez,
Une carotte plus des cailloux dans les orbites
Et un balai… Vous criez au génie un peu vite !
N’importe qui peut faire cela et je vais 
Vous le prouver. » Fit le coq d’Inde qui savait
Ses lettres, ce qui le rendait pédant et cuistre
Plus que savant, bien moins sage que sinistre. 

Il compulsa ses encyclopédies usées
Et feuilleta les catalogues des musées
Pour montrer à cette poulaille ce qu’ “ART”
Veut dire… Rien à voir avec ce “gros bazar” !
Quand il a fini son labeur, se meurent les heures
Du jour : la neige est souvenirs ; la forme leurre.

Le coq de chez nous, pourtant avare de verbe
Lui dit : « Le sage, le vrai, conserve sa verve
Pour disserter sur de méritoires objets
S’il ne veut pas, ce Ridicule, déroger ! »

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