Édito’ de février pour RuedesFables
Un poète de haut vol commit une ode, excellente au demeurant aux yeux du Ratapoil que je suis, caressant à rebrousse-poil le Maître de Château Thierry au prétexte qu’en son « Rat qui s'est retiré du monde » (référence), il mettait en scène un rongeur « mahométan » peu enclin à la charité. Blasphème quant à la foi d’Allah et insulte quant au choix de la bête comme au fait qu’il fût rapiat comme pas deux alors qu’il vivait comme un rat en fromage… Ici, de Hollande. Moi qui n’aime pas jouer au chat et à la souris et goûte fort la fable comme l’édam, en jupes comme en pantalons, je me devais de réagir. Non, La Fontaine (1621-1695) ne puait pas comme un rat anti-musulman : il y avait de toute évidence contresens dans cette analyse rasibus du texte.
Ayant en mon jeune temps, avant de devenir rat-de-cave je veux dire, fort côtoyé des petits rats de l’opéra et être devenu, quoique gueux comme un rat d’église, un vrai rat de bibliothèque, je me trouvais donc, par ces propos marri. Ce troubadour à la plume de mauvais poil n’avait pas compris, à mon sens, que la religion choisie par le fabuliste est une métaphore, comme dans tout apologue qui se respecte quand son auteur ne peut attaquer frontalement ce qu’il veut dénoncer. L’époque où il écrit n’est pas défavorable à la religion de Mahomet ni aux peuples qui la pratiquent (quelques fables sont des adaptations des Mille et une nuits qui fascinent ce temps) même si on s’amuse parfois - sans s’en moquer - de l’exotisme de leurs mœurs (Cf. Molière dans Le bourgeois gentilhomme ou, plus tard, Montesquieu et ses Lettres persanes). Jean La Fontaine, moins consensuel qu’on ne le croit, critique ici les religieux français – que la censure de l’époque empêche de fustiger et il en sait quelque chose (cf. Contes, 1665, 1666, 1671, 1674) – à travers une autre croyance qui lui posera moins, alors, de souci. L’allusion est transparente pour ses contemporains, elle peut paraître moins claire pour les idées et préjugés du XXIe siècle. Ici, il critique les ordres mendiants qui font vœu de pauvreté mais fournissent les moines les plus gras de la Création et dénonce dans une intrigue inventée de toutes pièces - ce qui est rare chez lui -, le refus du clergé régulier en 1675 d’apporter une contribution financière (on appelle cela alors sans souris le « Don gratuit » !) aux dépenses de « la Guerre de Hollande » voulue par un souverain toujours prêt et prompt à se battre. C’est donc une satire qui caresse dans le sens du poil un souverain qu’il a écorné, lui aussi, dans ses « Contes », et qui, tout monarque absolu qu’il se proclame, ne peut faire entendre raison à ces clercs si peu clairs. Il faut donc « recontextualiser » l’œuvre - comme on dit aujourd'hui - avant de la fustiger et d’en donner une interprétation qui ne peut être qu’erronée sans cela : quand le chantre n’est pas las, les souris tancent !
À bon chat bon rat, je croyais défendre avec courtoisie et simplicité mon digne prédécesseur et maître (soixante-cinq, paraît-il !) car je ne suis pas de ces rats qui quittent le navire même si je ne suis pas comme un rat en paille au jeu de la polémique. Hélas trois fois hélas, notre chantre qui cherchait des poux dans la tête du bon Jeannot, avait des rats dans la sienne ou s'ennuyait comme un rat mort dans son nid : mon commentaire, au contraire, aiguisa sa colère. En effet, il argua qu’attaquer, au-delà de sa foi, une des Religions du Livre, était blasphème aux yeux de ses coreligionnaires (sic) et donc que son ire était aussi légitime que fondée. Que répliquer alors ? Sinon que la fable, sans donner de leçon à quiconque, par principe, met le doigts sur travers, défauts et tares de notre quotidien que ce soit dans le domaine social, politique ou culturel… donc religieux. Si l’on ne veut pas voir en face l’animal qui sommeille en nous, on s’abstient d’en lire !
Le sieur de La Fontaine, auteur du XVIIe - pas l'arrondissement mais le siècle - je le rappelle, de sa vie n’a sans doute jamais vu un « Mahométan » (il n’y a pas masse de musulmans en France alors !), et donc ne saurait être accusé d’attaquer les disciples du Prophète, même s’il a choisi un rat pour incarner l’un d’eux, image traditionnelle de l’avare, du pingre, du radin,…. de tous poils. Et si les mots importent tant à notre aède courroucé, le rongeur est, ici, moins musulman que chrétien et le dernier vers, en soi, est preuve irréfutable. Ce n’est qu’ironie, laquelle est contenue toute entière dans le verbe “supposer” qu'il emploie à dessein : « Je suppose qu’un moine est toujours charitable » revient à dire « il parait qu’un moine est toujours charitable » ; chose alors considérée comme évidence et dogme dans la Chrétienté toute entière. Cela est choquant – pour ne pas dire insultant – pour le temps où il rédige son œuvre et donne tout le sel de la fable… Son humour est grinçant, je le concède, et l’on est fait comme un rat, à moins de vouloir se dilater la rate, si on le trouve « conservateur » voire « réactionnaire ». Allez tamiser les grains les moins encensés de son fablier, vous en serez édifiés…
Je n’ai pas réussi à convaincre l’auteur iconoclaste ou mal inspiré qui accoucha de cette souris (point chauve !) et n’en fut payé qu’en chats et en rats : comment s’en étonner à l’heure où les magasins Marks & Spencer sont obligés de retirer de la vente du papier toilette où l’on voit, en légère surimpression filigranée le dessin d’un aloé vera, que certains ont pris, peut-être à dessein, pour la calligraphie arabe du nom d’Allah ? Notre monde et notre temps qui me mettent souvent la rate au court bouillon me paraissent parfois… être une vraie fable !
Fabuleusement vôtre quand même…
Ayant en mon jeune temps, avant de devenir rat-de-cave je veux dire, fort côtoyé des petits rats de l’opéra et être devenu, quoique gueux comme un rat d’église, un vrai rat de bibliothèque, je me trouvais donc, par ces propos marri. Ce troubadour à la plume de mauvais poil n’avait pas compris, à mon sens, que la religion choisie par le fabuliste est une métaphore, comme dans tout apologue qui se respecte quand son auteur ne peut attaquer frontalement ce qu’il veut dénoncer. L’époque où il écrit n’est pas défavorable à la religion de Mahomet ni aux peuples qui la pratiquent (quelques fables sont des adaptations des Mille et une nuits qui fascinent ce temps) même si on s’amuse parfois - sans s’en moquer - de l’exotisme de leurs mœurs (Cf. Molière dans Le bourgeois gentilhomme ou, plus tard, Montesquieu et ses Lettres persanes). Jean La Fontaine, moins consensuel qu’on ne le croit, critique ici les religieux français – que la censure de l’époque empêche de fustiger et il en sait quelque chose (cf. Contes, 1665, 1666, 1671, 1674) – à travers une autre croyance qui lui posera moins, alors, de souci. L’allusion est transparente pour ses contemporains, elle peut paraître moins claire pour les idées et préjugés du XXIe siècle. Ici, il critique les ordres mendiants qui font vœu de pauvreté mais fournissent les moines les plus gras de la Création et dénonce dans une intrigue inventée de toutes pièces - ce qui est rare chez lui -, le refus du clergé régulier en 1675 d’apporter une contribution financière (on appelle cela alors sans souris le « Don gratuit » !) aux dépenses de « la Guerre de Hollande » voulue par un souverain toujours prêt et prompt à se battre. C’est donc une satire qui caresse dans le sens du poil un souverain qu’il a écorné, lui aussi, dans ses « Contes », et qui, tout monarque absolu qu’il se proclame, ne peut faire entendre raison à ces clercs si peu clairs. Il faut donc « recontextualiser » l’œuvre - comme on dit aujourd'hui - avant de la fustiger et d’en donner une interprétation qui ne peut être qu’erronée sans cela : quand le chantre n’est pas las, les souris tancent !
À bon chat bon rat, je croyais défendre avec courtoisie et simplicité mon digne prédécesseur et maître (soixante-cinq, paraît-il !) car je ne suis pas de ces rats qui quittent le navire même si je ne suis pas comme un rat en paille au jeu de la polémique. Hélas trois fois hélas, notre chantre qui cherchait des poux dans la tête du bon Jeannot, avait des rats dans la sienne ou s'ennuyait comme un rat mort dans son nid : mon commentaire, au contraire, aiguisa sa colère. En effet, il argua qu’attaquer, au-delà de sa foi, une des Religions du Livre, était blasphème aux yeux de ses coreligionnaires (sic) et donc que son ire était aussi légitime que fondée. Que répliquer alors ? Sinon que la fable, sans donner de leçon à quiconque, par principe, met le doigts sur travers, défauts et tares de notre quotidien que ce soit dans le domaine social, politique ou culturel… donc religieux. Si l’on ne veut pas voir en face l’animal qui sommeille en nous, on s’abstient d’en lire !
Le sieur de La Fontaine, auteur du XVIIe - pas l'arrondissement mais le siècle - je le rappelle, de sa vie n’a sans doute jamais vu un « Mahométan » (il n’y a pas masse de musulmans en France alors !), et donc ne saurait être accusé d’attaquer les disciples du Prophète, même s’il a choisi un rat pour incarner l’un d’eux, image traditionnelle de l’avare, du pingre, du radin,…. de tous poils. Et si les mots importent tant à notre aède courroucé, le rongeur est, ici, moins musulman que chrétien et le dernier vers, en soi, est preuve irréfutable. Ce n’est qu’ironie, laquelle est contenue toute entière dans le verbe “supposer” qu'il emploie à dessein : « Je suppose qu’un moine est toujours charitable » revient à dire « il parait qu’un moine est toujours charitable » ; chose alors considérée comme évidence et dogme dans la Chrétienté toute entière. Cela est choquant – pour ne pas dire insultant – pour le temps où il rédige son œuvre et donne tout le sel de la fable… Son humour est grinçant, je le concède, et l’on est fait comme un rat, à moins de vouloir se dilater la rate, si on le trouve « conservateur » voire « réactionnaire ». Allez tamiser les grains les moins encensés de son fablier, vous en serez édifiés…
Je n’ai pas réussi à convaincre l’auteur iconoclaste ou mal inspiré qui accoucha de cette souris (point chauve !) et n’en fut payé qu’en chats et en rats : comment s’en étonner à l’heure où les magasins Marks & Spencer sont obligés de retirer de la vente du papier toilette où l’on voit, en légère surimpression filigranée le dessin d’un aloé vera, que certains ont pris, peut-être à dessein, pour la calligraphie arabe du nom d’Allah ? Notre monde et notre temps qui me mettent souvent la rate au court bouillon me paraissent parfois… être une vraie fable !
Fabuleusement vôtre quand même…
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