Petite fable affable
Alors que le printemps sent venir sa déroute,
Berlingot l’escargot, limace lourd vêtue,
Par les chemins, bon an mal an, allait sa route.
Faute de saliver dans un champ de laitues,
Son train de sénateur, l’amène, courbatu,
À baver, ici, sur les bavards qui musardent,
Plus loin, sur les larves qui, devant lui, flemmardent.
C’est que ce bilieux est hargneux et teigneux,
Pressé de se traîner des matines à laudes,
Bousculant le badaud, pour le moins dédaigneux :
Ce gastéropode, chers à nos antipodes
Affirme aux fainéants, aux blêmes besogneux,
Qu’il doit passer vite car lui, oui, il travaille.
Pour une cagouille, c’est là, bonne trouvaille !
Or, un jour, il heurte Torpédo la tortue
Et sert sa scie à l’hôte de la carapace
Qui, de vaguer tout en flânant, se fait vertu.
« Et pourquoi faudrait-il que, devant moi, tu passes ?…
Tu auras beau filer à cornes rabattues,
Tu n’iras guère plus loin que ces crucifères !…
Qu’as-tu de plus pressé que de ne rien faire ? »
Pour le coup, l’escargot se répand sans tarder :
« Je suis pressé comme ne sauront jamais l’être
Les lents qui lanternent, les mous acagnardés,… :
Plus luisant que brillant, sur l’herbe, sous les hêtres,
Je trace mon chemin, prévois mes embardées.
Ayant fort l’estomac dans les talons, je pense
Aux récompenses qu’il faut offrir à ma panse !
À pied, d’un bon pas, prétend le colimaçon.
- Fi donc, fait la tortue, et moi, là, qui te toise !
De peur de déranger je marche en limaçon,
Pour ne jamais blesser, ni le ver ni l’armoise,
Ma patte hésite et mon bec n’est point voraçon.
Moi qui suis hors d’âge, te le dis, pauvre dupe :
“Qui ne songe qu’à soi, en vrai, de peu s’occupe” ! »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire