Cycle toulousain
Au lavoir du lieu, dès la pique du jour,C’est forte presse et très grand chahut de toujours :
On y cancane et jase sans plus de prière.
Filles et femmes, ne sachant langue garder,
Battoir en main, linge déballé, sans tarder,
Débinent soubrettes, ribaudes, chambrières,…
Qu’on soit vieillie ou en ses vertes années
D’un sous-entendu, d’un mot on va condamner
Le laideron, le tendron ou la rosière
Mal arrosée puis la notable cocue,
La mère exemplaire ou la sainte un peu cul-cul,…
Qu’elles soient des nanties ou simples fermières.
On cause ainsi, sans fard, de ces vieilles pies
Dont l’honneur part vite en lambeaux voire en charpie,
De ces pastourelles au corsage un peu trop sage
Qui ne sont que sottes caillettes face aux butors
Et ces oies blanches aux pensers pervers et retors
Qui sont les seules vraies volages du village ;
Les bécasses faisant Pâques avant les Rameaux,
La vieille chouette aimant même les marmots,
Mères poules prisées du curé au passage,
Ne valent toutes, en fait, guère mieux, crénom
De Dieu, que des grues de rue en grand renom.
On laisse quelques plumes au commun blanchissage !
On suppose, on brode jusqu’à s’acertainer
Sur la vertu de l’une ou le passé damné
De l’autre, pour ne plus voir, et sans tendresse,
Que cocotte et poule aimant être aiguillonnée,
Ou tête de linotte prête à bouillonner,
Et brouillonner pourvu qu’un faisan ait l’adresse
D’aimer la panse avant la danse et, pas manchot,
Pigeonne la triple buse qui a trop chaud.
Qu’elle ait ou non la bague au doigt, cette bougresse
Aura beau se paonner tout haut d’honnêteté,
On gloussera vite ce qu’il en a été :
Amies, voisines, c’est fait pour ça ! Et sans paresse…
On reste bouchée bée, on pousse cris d’orfraie
Quand « on apprend » la rumeur, qui en fait les frais,
Priant, en secret, de n’être pas la prochaine
À en pâtir, disant qu’ainsi, oui, va la vie :
« Tout, ici bas, hélas, n’est que vice et envies ! »,
« Pourquoi faire l’autruche ? Il est glands sous le chêne
Et blanches colombes n’aimant que les corbeaux,
Des coucous se cachant chez les poulets ! », « À beaux
Gars et belles garces qu’importeront les chaînes,
La moralité leur est roupie d’sansonnet,
L’Amour miroir aux alouettes ! », « Bien née,
Maumariée ! »,… Et les bons mots sans fin s’enchainent.
Parbleu, les noms d’oiseaux volent bas, papegayes
En bandes, que l’on soit, jusqu’au soir, sage et gaie
Comme un pinson ou ivre, hélas, comme une grive,
Éprise d’un merle blanc qui fait des jaloux,
Ou amie d’un vieux rossignol cantalou,…
Chacun et chacune, quelle que soit la rive
Où sa vie s’ébat sera vautour ou dindon
De force farces, un bon canard boiteux sans don
Ni dents,… Ce, qu’il ait été déniché à Brive
Ou ait eu nid ici : il faut se méfier
De l’oiseau rare et ne guère plus se fier
À celui de passage qui fait qu’on dérive.
Entre œil d’aigle et de perdrix, dames, demoiselles
Ne seraient donc, ici, que de drôles d’oiselles
Quand, messieurs déplumés, chevelus damoiseaux,
Sont, même coqs de village, drôles d’oiseaux…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire