Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mardi 1 mai 2018

LE BON LABOUREUR

Petite fable affable

Un homme du village, fort peu patelin,
Simple fermier, mais hautain autant que lointain,
Posait un lourd regard froid et un œil sévère,
Toujours, sur tout et sur tous, derrière ses verres.
Au hameau, il passait pour un vieil homme obtus
- Ça, j’ai connu des cailloux bien moins têtus ! - 
Car il hantait un champ jà réputé inculte
Au temps des rois à qui d’aucuns vouaient un culte.

On s’interrogeait. Jamais il ne répliquait.
Même les braves qui se piquaient de piquer 
Et picanier ou se plaisaient à déplaire
Évitaient ce taiseux qui savait trop y faire
Quand eux, marnaient, suaient, sans réussir jamais
L’exploit que fructifient autant terres damées
Et moins hostiles. L’homme a-t-il scellé pacte
Avec Satan ? Est-il sorcier ? Dieu, que l’on jacte…

Car, de mots avare et plus ménager encor’ 
De ses deniers, il s’usait l’âme et le corps
À travailler cette lande qu’aucune chèvre
N’aurait regardée, même une minute brève.
Pourtant il en naissait, à force de labeur,
Chaque année, un paradis de fruits et de fleurs
Qui faisait jaser ses pairs si prompts au médire
Et poussait le curé à quasi le maudire !

On l’inquisita sans ménagement un jour
Que l’exaspération était de retour.
Il ne comprit pas le pourquoi des reproches,
Ni qu’on suspectât là quelque anguille sous roche.
Il répondit, pour tous à mauvais escient : 
« Le champ est fort grand mais mes bœufs sont patients ! »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire