Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

samedi 3 septembre 2011

DE RUS EN RUES

Cycle pyrénéen
Travail de commande pour Sophie


Sourdant d’un val au bord d’un versant,
Source lancinante et babillarde,
Du jour qui point au soir finissant,
De l’eau naît, se perd ou se hasarde,…
Elle a surgi, là, en embuscade,
Devenue mince filet, ici,
Elle boit le ciel en régalade,
Creuse son cours et grave son lit.

Partout l’eau pleure, ruisselle et mousse
Par les près, les rocs et leurs chaos,
Qu’elle polit ou bien qu’elle émousse,
Avant de devenir gave et flots.
Courant, sans cesse, sous la grande ourse
Devenue mince filet, ici,
Elle s’abreuve en rus dans sa course,
Creuse son cours et grave son lit.

Ruisseau qui roule et flots qui cascadent,
L’eau bouscule pierres et rochers,
Comme si, d’un saut, d’une ruade,
Elle voulait tous les décrocher.
Elle noie prés et pieds ou lézarde,
Devenue mince filet, ici,
Notre eau égrillarde, un brin braillarde,
Creuse son cours et grave son lit.

Au fil de défilés coupe-gorges,
Ce torrent aux rapides rampants,
Que tant de violence forme et forge,
N’est plus un galopin galopant.
Il se jette en rivière et se calme,
Devenu large affluent, ici,
Il poursuit, sous un auvent de palmes,
Freine son cours et reste en son lit.

Plus tranquille que rues et ruelles
Devenue large affluent, ici, 
L’eau, entre maisons, bois et chapelles,
Freine son cours et reste en son lit.
Pourtant, parfois, elle se rappelle
Qu’elle était mince filet, ici,
Et, au détour d’une crue cruelle,
Recreuse un cours et regrave un lit…

HAÏKU DE POING

Aïe !

LA REVANCHE DU LIÈVRE

Petite fable affable

Oreille basse et ride au front,
Le lièvre ruminait sa revanche.
Il lui fallait laver l’affront
Que la tortue, rusée comme un Comanche,
Lui avait infligé en son temps,
En le défiant dans certaine manche
De course sous de vertes branches
Et, pire encore, en l’y battant.

Depuis, ce sot n’était pas à la fête,
Devenu risée des guérets.
Il n’est pire venin qu’une défaite
Ressassée assez, sans arrêt
Rappelée par la plus petite bête,
L’honneur souillé, l’orgueil vexé.
De leurs échecs, les joueurs de jambette
Que l’on sait tant aimer l’herbette,
Apprennent moins que du succès !

On convint d’une nouvelle rencontre
Qui attira bien du public
Prêt à rire de lui, pariant contre  :
À la tortue, les pronostics !
Mais le rongeur sait qu’offense publique
Demande une réparation
De même nature - C’est symbolique 
Dans leur rustique république ! -
Pour laver honte, humiliation.

Nos coureurs gagnaient de concert la lande
Où, tantôt, jouer du jarret,
Quand leur route croise, dit la légende,
En lisière de la forêt,
Celle de Sire loup, ce jour en chasse.
Le lièvre y voit baraka,
Pique des deux, laisse l’autre sur place,
Pelotonnée en carapace !…
Qui croyez-vous que Loup croqua ?

On est bien ridicule à vouloir sa revanche,
Voire la vengeance. Car, souvent, la leçon 
Qu’on reçoit alors, quoi qu’on en veuille ou retranche,
Peut s’avérer la plus amère des boissons !

MA NUIT DANS TA NUIT

Souvent, la nuit, Morphée me fuit,
Les yeux ouverts, je m’abandonne
À l’heure sobre aux sombres bruits.
Toi, par contre, aux fées tu te donnes ;
Leurs cœurs volages, bohémiens,
Volent aux vents dolents des rêves,
Emportant les débris des miens
Vers des horizons et des grèves :
Où, repos, répit ne sont pas,
Sans ennui ni peur du trépas.
Alors, longtemps, je te regarde
Dormir, et te veille et te garde.

Ces douces heures, arrachées
À la course effrénée des jours,
Recèlent des bonheurs cachés.
La nuit sait séduire : toujours,
Un charme neuf elle produit,
Drapant d’ombres chaudes tes dunes,
Ta doline endormie, ce fruit
Qu’un rai coquin soudain ilune.
Et ton corps, que je sais par cœur,
M’échauffe et réchauffe mon cœur ;
Oui chérie, quand je te regarde,
Je t’aime un peu plus… par mégarde.

Je te caresse d’un regard
Tendre qui te frôle et t’effeuille,
Certes indiscret, mais plein d’égards.
Quoi que l’on dise ou veuille,
Il est bon et doux de coucher
Son insomnie au lit d’un ange,
Au creux d’un corps que va doucher
Une obscurité toute en frange…
Souvent, la nuit, Morphée me fuit
Et chasse avec lui mon ennui ;
Que les Dieux toujours sauvegardent
Ces nuits-là où je te regarde !

Alors, longtemps, je te regarde
Dormir, je te veille et te garde.
Oui chérie, quand je te regarde,
Je t’aime un peu plus… par mégarde.
Que les Dieux toujours sauvegardent
Ces nuits-là où je te regarde
Dormir, et te veille et te garde !

Sceau : Élisa Satgé, 2017

jeudi 1 septembre 2011

HAÏKU TROP LONG

Celui qui, dans une conversation, souhaite en rester là, souvent désire s’en aller.
Mais le quidam qui ainsi s’en va, est-il moins demeuré que celui qui est resté ?

PROVERBES IRRÉGULIERS

Il ne faut pas mettre la charnue devant des œufs.

*

L’impudeur est mère de toutes les duretés.

**

Un tien ne vaut pas mieux si deux tu peux avoir.

***

Faute de grivoiserie on range des perles.

KALÉIDOSCOPE PRINTANIER


Adieu les matins crachin giflés de brume,
Les petits museaux chagrins mouillés de rhume,
Revoici le temps des fleurs !
Finies les douleurs, l’hiver met bas les armes,
Le ciel prend des couleurs et sèche ses larmes :
Revoici le temps des fleurs !

Le destin rebrode des souvenirs roses
Sur les soucis cousus à vif dans ma prose ;
Revoici le temps des fleurs.
En parfums parme, de timides violettes
Ont sorti, d’un coup, leurs nouvelles toilettes,
Revoici le temps des fleurs.

Le temps remet son sablier. Il s’égrène.
Et le vent, confus, s’oublie en ciels de traîne.
Revoici le temps des fleurs.
Les couchants en pastels, en bleus, se respirent
Enfin quand la nuit, dans un soupir, expire…
Revoici le temps des fleurs.

Bon gré, mal gré, le vieux mauvais temps s’effeuille
S’habille de boutons, de chatons, de feuilles,…
Revoici le temps des fleurs.
Les regrets ne sont plus que rosée en perles,
L’oubli est sous la cendre. Revient le merle.
Revoici le temps des fleurs.

Fuchsia et lilas, la jeunesse chansonne :
Les tétons bourgeonnent et les gars gasconnent.
Revoici le temps des fleurs.
On revit au renouveau de la nature
Et, tout le reste, n’est que littérature,
Revoici le temps des fleurs.

L'OURS DÉTRÔNÉ ?

Petite fable affable

Compère l’ours est en sa montagne
Un roi fier, simple et surtout heureux :
Personne n’en veut à sa compagne,
Ni à lui-même, pourtant peureux.
Il régne, monarque débonnaire,
Sur un monde où chacun sait rester
À sa place, tant les pensionnaires
Du crû que ceux qui vont infester
La terre ou bien le ciel, quelques heures
Ou pour une bien brève saison.
Jamais de péril en la demeure,
De passion ni de déraison.
Voilà pourtant qu’un beau jour, la marmotte
Vient, lui marmotte dans son patois,
Qu’elle est la seule reine des mottes
Supérieure aux lourdauds matois !
Puis, voilà l’acrobate des cimes,
L’isard, qui lui affirme régner
Sans nul partage, fait rarissime,
Sur ces hauteurs qu’il sait, seul, gagner.
À leur tour, perdrix et gypaète,
Lagopède, buse, aigle et vautour,
Lui interdisent l’accès des crêtes,
Autant que de tous leurs alentours.
Ce roi n’a soudain plus lieu ni place.
Quand vint à son tour le grand tétras,
Il ne pouvait plus rester de glace. 
Et d’autres bêtes le suivent, hélas !
Loup, martre, renard, lynx et hermine
Grand cerf, daim, chevreuil et bouquetin,…
Notre ours en perdit sa bonne mine,
Sa bonhomie et puis son latin.
Mais il se refusait à déchéance.
Il enquêta donc sur ces sursauts
Que ni préavis ni doléance
N’annonçaient. Fallait faire assaut
Aux rétifs ? La chose semblait bête !…
Puis il sut qu’un serpent persiflait,
Et mettait à tous martel en tête.
Il ne lui fit que ce qu’il fallait…
Et l’Ordre ancien revint. Plus de glose !
Comme notre ours, pas d’agitation :
Soignons donc le Mal, en toute chose,
Et non plus ses manifestations !

LA VEUVE NOIRE

Tissant sa toile, instillant son venin 
Elle distille son fiel dans du miel,
Jurant à tout Ciel qu’est superficiel
L’accroc que font ses crochets, si bénins.
  
Sans aménité, quêtant l’essentiel,
Sans humanité, guettant en ronin,
Tissant sa toile, instillant son venin,
Elle distille son fiel dans du miel.

Velue sous son velouté féminin
Son contact est toujours artificiel :
Méfie-toi de son sourire partiel !

Tout est calculé chez cet esprit nain :
Tissant sa toile, instillant son venin,
Elle distille son fiel dans du miel…