Petite fable affable
« Ma vie ici-bas est triste et pitoyable !
L’herbe est bien plus verte de l’autre côté
De cette rivière aux flots impitoyables.
Et traverser, je crois, ne peut m’en coûter
Puisque j’y sais un passage praticable !
Pleurait une biquette qui portait un bouc
Et puait tout autant que la bête à plouc.
En plus, on voit moins de loups dans ces parages,
Moins d’hommes qui, d’un rien, font tout un fromage ! »
Mais, Dieu, qu’agaçe ce petit bout-de-chou !
Aussi la plus sage et vieille des brouteuses
De son troupeau qui, noire comme un cachou,
Dit-on, se perd les chèvres, chose douteuse,
D’avoir trop ménagé la chèvre et le chou,
Lui dit : « Mais qu’attends-tu pour partir, Blanchette !
Depuis qu’il t’a poussé une barbichette
Je t’entends geindre sur ton sort et envier
L’autre berge dont tu rêves pour foyer. »
Celle qui rendait chèvre ses congénères
Lui rétorque : « Il faut choisir le bon moment
Sinon bien vite et, pis mal, tout dégénère :
La belle aventure deviendra tourments,
Regrets et remords. Ma vie, si ordinaire
Ici, serait-elle, là-bas, sans revers ?
Quels maux peuvent se cacher dans tant de vert ?
Choisir tu le vois n’est pas aisé, Commère ! »
L’ancêtre répondit d’une voix amère :
« “Lorsqu’on ne sait vers quel port naviguer,
Aucun vent ne saurait être le bon”
Prétendait aux Hommes, le sage Sénèque.
“Qu’importe de connaître le lieu du gué
Quand on ne veut pas traverser pour de bon !”
Réplique-t-on à qui, en vain, se rébèque… »
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