Petite fable affable
Dans la sombre cuisine du logis
Deux pommes, l’une fruit, l’autre de terre
Discutent. Enfin, sans démagogie,
Le fruit soliloque et l’autre se terre
Dans le silence et, parfois, lui répond :
« Tu n’es qu’un vil cul terreux, eh patate !,
Répétait-il, n’importe quel sol pond
Des tonnes de tes pareils à la hâte :
Sans forme et sans grâce, sales et laids.
Alors que le pommier, au ciel, étage
Haut ses branches pour me bien poteler
Une rondeur parfaite aux vents sages.
- Si fait ! Vous êtes si lisse et belle, et…
- Et, de vous parler, bien bonne pomme !
- Oui da, je n’suis qu’un légume grelet…
Pas une grosse légume, un lipome.
- Alors que, moi, je suis mieux : je suis fruit,
Le premier de la Création sur Terre !
- Et t’avoir croqué nous fait bosser ! » Bruit
L’économe agacé qui, plus, atterre :
« Je vous ferai sort égal, jacasseurs ! »
La pomme faillit tomber parmi les siennes :
Ce couteau, haut comme trois de ses sœurs
À genoux, coupait court à son antienne.
« Vulgaire et bas, j’étanche bien la faim…
Osa, timide, le fruit de la terre.
- Mais on garde le meilleur pour la fin !
Coupa la pomme… Devrais-je le taire ?
- J’en conviens mais je vous tranche pareil !
- Que non pas : moi, dessert, noblesse oblige,
Suis quartiers savourés, elle, appareil,
Finira petits cubes ou longues tiges !
- Pauvre pomme ! Tes mots sont moins sucrés,
Doux et tentants que ta chair. Je t’explique :
Avant que tu ne sois toute ridée,
Comme une des aînées de ta clique
Tu seras, las, toi aussi, liquidée.
Oui, ingérée puis digérée sans faute
Tu n’y couperas pas : mourir sera
Aussi pour ta pomme, et tu seras l’hôte
Du même étron, fait la lame au fil ras,
Que celle que tu dénigres et méprises
Ayant partagé le même repas.
Il faut, pour qu’une chose soit comprise,
En savoir la finalité, n’est-ce pas.
Ce que tu fais te fait : Sois avec l’autre
En n’oubliant jamais ta fin, l’apôtre ! »
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