Petite fable affable
Jadis, notre vieux maître d’école,
Voulant nous poser quelque colle,
Nous demanda de tous gamberger
Au vrai problème de ce berger
Qui avait son loup, son chou et sa chèvre
Et un pont par-dessus la Bièvre
À traverser : « Donc vous raisonnez.
Ne vous fiez pas à votre nez :
C’est logique fort scientifique
Et rigueur toute mathématique ! »
Nous planchâmes tous donc sur le lot
De ce pâtre, ce pauvre ballot,
Qui affrontait un pont bien fragile
Qui ne pouvait supporter, futile,
Qu’hélas deux passagers à la fois.
On savait, en toute bonne foi,
Qu’il ne pouvait pas laisser ensemble
La chèvre et le loup sans que l’on tremble
Pour celle-là, ni chèvre avec chou
Sans qu’elle en croquât tout son bon saoul !
Quand on est enfant un tel problème,
Un dilemme à vous rendre blême,
C’est un casse-tête et un dégoût
Qui vous fait vite passer le goût
De toutes les sciences du monde
Et conduit, au surplus, à la fronde
Contre « la logique » et « la rigueur »
Dont vous sentez, quoique bon blagueur,
Que d’en avoir aussi peu vous condamne
À passer, toujours, pour un bel âne.
Qui peut bâtir un raisonnement,
Sainement et rigoureusement,
Avec un postulat imbécile
Que même un sot aussitôt décille ?
Que pourrait donc bien faire un berger
D’un loup, le pire des vils dangers,
Pour sa vie, ses biens et ses bêtes ?
Et faut-il qu’un loup au bois s’embête
Pour s’acoquiner avec un pâtre
Sans le bouffer tout crû, ce bellâtre !
Donc quand on prétend à « la rigueur »,
Et quand on professe « la logique »,
On ne commet jamais de telles erreurs
N’ayant rien de « pédagogiques » !
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