Édito’ pour RueDesFables (Avril 2017)
Pour d’aucuns J. de La Fontaine est aujourd’hui, d’Anvers à Vancouver, le plus connu des poètes français du XVIIe siècle. Pourquoi ce fabuliste fabuleux, virtuose du verbe serait-il seulement le plus grand poète d’un seul siècle alors qu’il a anobli un genre universel ?
Le pauvre rimeur en vers sots que je suis, modeste écriveur d’écrits vains à césure/césure-trente environ, et plus si affinités, est persuadé qu’il l’est sans restriction en ces verbaux écrits, vers beaux et cris. Car la fable, cet espace vert ouvert, où vagabondent les muses qui s’amusent et parfois m’usent, est poésie même si on en propose, rose ou morose, en prose. Avec eux et leurs zélateurs, sans rime ni raison parfois, au diable veaux, vers, cochons,… !
Aussi, si écrire c’est « faire un papier », rédiger une fable c’est « faire un papier de vers ». Des vers de rage et de peur, des vers revolvers ou galants, des vers de jalousie, des vers divers ou d’été,… mais des vers et des vers à pieds, ciselés. Comptés s’entend. Car l’apologue n’est qu’une somme de vers, tout en nuances, mais vers de l’amitié - souvent du genre « eunuque décapité » (sans queue ni tête, si vous préférez !) - et vers de contact qui ouvrent grands les yeux entrouverts et décille les autres, vitreux. Ces vers de trouvère se veulent moins correcteurs que loupe de nos travers même s’il faut pour cela mettre un animal, soit-il vêtu de vair, ou pervers, au vert.
Donc si, en ce bas-monde, de haute main, on peut prendre quelqu’un sans vers, il n’est de bonne fable - du moins de celles qui restent ancrées à peine encrées - qui n’ait quelques vers d’éther prompts à l’envol, des vers qui s’entrechoquent pour fêter la bestiale Humanité, honorer, envers et contre tout, l’humaine animalité… ou la consoler. Mais il semblerait qu’aujourd’hui le vers porte malheur, comme en la médiévale obscurité, alors il porte beau au revers - car l’avers tue ! - de mon queue-de-pie… vert. On le fuit alors que, quoique libre, la fable se veut encore vers sur l’envers de nos décors mais, que la rime soit riche ou pauvre, continue à prôner, par-devers elle, la fraternité. Ça vaut salement le coup, et pas seulement d’œil !
Bien sût on n’a pas toujours de vers à soi. Il se peut que l’on ait des vers qui ne soient que boiteux. Qu’importe. Après s’être abreuvé aux vers consignés par J. de La Fontaine ou s’être rassasié des vers salutaires de Florian, on suit les pas de ces deux maîtres, deux maîtres cinquante à eux deux. En chancelant à force de vers en vain, en titubant (quand le vain est titré il fait le croire), en tombant sur des vers blancs mais en se relevant pour faire de ces pas-là des historiettes d’impalas, des fabulettes pour koalas en Fabulon qui craint le vert-de-gris de certains uniformes, le vers ballon des footeux mais qui sait le vert tige de ces fleurs aux senteurs de vétiver. La poésie n’est pas que rime, elle est aussi rythme et s’arrime aux Cieux ocieux, aux Dieux odieux,…
Que fait le fabuliste, encore vert pour son âge, qui persévère RuedesFables ? Quel qu’il soit, les auteurs du site peuvent en attester sur l’honneur, à propos d’un mot ou d’un fait divers, besogneux convers, il recompte ses vers et les paie content lors des longues soirées d’hiver, ou les recycle, vers clairs ou vers froncés, dans d’autres bluettes quand il le juge opportun, l’importun. On aura beau lui souffler le vers, lui seul saura le tourner car il a la fibre du vers qui en impose alors qu’il se pose et sera cinglant comme volée de bois vert. Mais il saura parfois y intercaler - Patron, c’est ma tournée ! - un vers profond, pas de ces vers d’eau dans lesquels naissent les tempêtes où d’aucuns se noient, mais un de ces vers chauds qui vous sont, à l’hiver, comme ces pull-overs qui vous font le col et le cou vert et pas découverts. Vive cette laine de vers dont j’ai tout un alphabet : vers A, vers C, vers E, vers 0, vers P, vers U,… !
Ne déduisez pas, hâtivement, lecteurs vernis qui arpentez la Rue comme on mise sur tapis vert, de ce qui précède, que j’ai quelques vers dans le nez quoique vous auriez sans doute plaisir à me les en tirer. Mes vers parfois opaques sont bien éduqués, du cristal de poème : jamais neutres, certes grossissants, ce sont les vers du parfait honnête homme, en un mot, les vers des polis. J’espère qu’ils ne sentent pas le vers de trop à la table ni les raisins trop verts de la fable laquelle, en général, vaut un univers et, en particulier, par le regard que vous porterez sur elle ou ses vers, sans arrière pensés. Voulant lire les maux immondes que nos lyres font mots du monde.
Alors profitez bien de votre petit vagabondage dans cette RuedesFables si chère à mon cœur, j’arrive au bout de ma ligne sans qu’un ver ne s’y agite alors je vais, l’œil roux-vert, m’en jeter-un, de verre, derrière la cravate. Pardon ?!… Comment ?!… Non !… C’est du thé… vert, comme il se doit car, chez moi, vers à citer sert aussi à boire quand lombric the road !
Fabuleusement et amicalement vôtre !
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