A la Taverne du roi René,
Du matin au soir, Leroy renaît.
Le ventre ancré à sa bonne table,
Ce marin ne prendra plus l’eau.
Ne jugeant nul convive acceptable,
L’âme en brumes et la voix au galop,
Il cause au mur blanc tout à son aise.
Là, le cul amarré sur sa chaise,
Il raconte anses, havres et ports
Une vie d’horizons, de sel, de glaces,…
Dont vue d’homme jamais ne se lasse,
D’une voix morne ou toute en transport.
A la Taverne du roi René,
Entre creux et crêts, Leroy renaît.
Loin des tempêtes et des bonaces,
Ses hiers seuls font voile, cinglant
Vite vers un néant tout en nasses,
Sous des néons d’un blanc aveuglant.
Il boit donc à l’envi au naufrage
De sa vie qui tourne au sabordage.
Face aux falaises du mal amer,
Cet estaminet sans chaleur accueille
Ses souvenirs qui trop écueillent,
Son malaise de n’être plus en mer,…
A la Taverne du roi René,
Échoué mais vif, Leroy renaît.
Évoquant les craquements de coque,
Il boit à ces femmes qu’il a eues,
Gîtant babord-tribord, l’air cinoque,
Trinque aux amours qu’il n’a pas connues.
Car, rescapée de tout, sa mémoire
Fait eau de partout et cette armoire,
L’œil hélas las mais jamais vaincu,
Dit à qui le jauge en bon apôtre :
« Compar’ pas ta vie à cell’ des autres,
T’as pas idée de c’qu’ils ont vécu… ! »
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