Petite fable affable
Auprès d’un gave qui griffe un versant rocailleux
Embuant de rosée le bavardage des feuilles
Et rafraîchit prou l’haleine de vents vétilleux
Qui courent dans la touffeur de ce beau jour qu’endeuillent
Déjà les ombres, un chemineau croise un troupeau las.
Il s’approche d’un grand agneau qui, lui, point trop timide
N’a pas fui à son arrivée, goûtant l’herbe humide.
Le coureur de chemin interpelle l’échalas
Qui ne sait, saisi de verte peur, que rester là :
« La faim me ronge et j’ai envie, en cette demeure
Bucolique, de ripailler de plus grassement.
Viens à moi : nous sommes, pour ce faire, à bonne heure !
- Pourquoi ?… Je ne vous connais ni des lèvres ni des dents ?
Et si tu fais ainsi que tu dis, mon si bon maître
Et son chien, l’Ami, te châtieront méchamment !
Ce jourd’hui, ou bien demain, assurément…
- Ton berger n’en fera rien. À mon pensement,
Si c’est celui qu’au village j’ai cru reconnaître,
Ce gros grison barbonnant se meut si pesamment !
Il doit dormir sans se torturer les mérangeoises
Et son cabot rhumatisant va comme escargot
Retraité en vacances !… Alors mon brave nigaud
Je vais t’occire et te bâfrer crû, à la grivoise,
On pensera que c’est l’ours qui encore a sévi.
Tu vois je ne risque rien du tout, ma bestiole ! »
L’ovin déjà sent que la vie en lui s’étiole…
« Sauf, Compère, si l’ours que tu dis n’a guère envie
D’être accusé à tort ! » fait une voix qui rigole
En son dos. C’était un plantigrade hérissonne
Qui la patte en l’air poursuit : « Puisque tu veux,
De force forcée, faire de moi un coupable, ton vœu
J’exauce : autant être fautif si l’on me soupçonne ! »
Et il abat cette si peu aimable personne.
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