Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 5 février 2020

LE MERCENAIRE SANS MERCI

Petite fable affable

Devenue, un beau jour, soldat de fortune
Du Roi Lion pour une poignée de tunes
Valant mieux que de finir chômeur,
Cette mangouste, disait-on, avait l’humeur
Toujours fort égale. Certes aussi mauvaise 
Que sa vue « Mais où est donc, dis, le malaise ?! »
Aimait-elle à mander toutes dents dehors.

Son maître, lui, sur deux oreilles dort
Au long de ses jours grâce à sa soldatesque
Qui réprime rumeurs, « pourquoi pas t’est-ce que »,…
Lui fournissant force faisans et connils
Pour ses repues. Ce souverain tout délaisse
Se souciant peu qu’il il y ait grain au mesnil
Pour ses humbles sujets ou foin au fenil.
L’important étant qu’ils fussent bien en laisse
Et que partout chien soit en son chenil.

Craintive, la plèbe soumise, rumine 
Sa rancœur, ronchonne sur ce qui la mine,
Semblant, hélas, attendre des jours meilleurs
Qu’apportera un monarque ferrailleur
Qui renversera, c’et sûr, ce trône inique.
La mangouste a lu d’anciennes chroniques
Relatant cela et craint donc pour son cas.

Au nom du peuple, sot et indélicat,
Comme seule sait l’être ici cette engeance
Qui ne songe qu’à jacqueries et vengeance,
Parce qu’elle fait le souverain travail
En lieu et place du félin monarque
Elle décide de le renverser, et prend à bail
Le palais : règnera donc qui au foirail
Mène les bêtes ! Enfin, ce sera la marque
D’une justice restée longtemps au portail.

Ainsi un putsch éclate-t-il en savane :
Mais notre mangouste a là ouvert les vannes
De la publique colère en tuant le lion
Et celle-ci s’est retournée, rébellion
Contre elle car tout-un-chacun fut victime
Du croqueur de serpents ou de ses intimes
Ainsi tout fut révolution, chaos,…

Quelques fauves voisins, sans trop de cahots,
Se sont emparés des terres et des titres
Du défunt. La mangouste n’avait, ce pitre,
Pas lu toutes les annales des savants.
Elle aurait vu que se soulever pour le compte
D'un peuple ignorant, revient souvent
À s'immoler par le feu un jour de vent
Pour éclairer le chemin à un aveugle*.

* D'après Mohamed Rachid Rida, réformateur arabe syrien. 1865-1935
Illustration : Élisa Satgé, été 2019

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