Petite fable affable d’après un conte africain
En tirant sa pirogue sur la grève,
Aux abords du delta du Sénégal,
Ce marin-là croit à un mauvais rêve :
Ses prises feront un repas frugal
Aux siens mais surtout, sur le blond du sable,
Gît un gros crâne qui, chose impensable,
Répond à son ironique salut,
Marque de son dépit. Est-ce berlue
Ou folie, tous deux défauts haïssables ?
Il dit à ce tas d'os non sans mépris :
« Qu’est-ce qui t’a conduit ici, Le Crâne ? »
Car il doutait un peu de son esprit
Qui fait que déjà, de lui, on ricane.
« La parole ! » répondit ce caillou
Desséché. Ce bon pêcheur, comme un fou,
Courut au bourg annoncer le prodige,
Se croyant un élu, pris de vertige.
L’accueillirent quolibets et youyous.
Le chef demanda le quoi et le qu’est-ce :
« Seigneur, j’ai vu un crâne en bord de mer ;
Et il m’ a causé… d’où cette liesse.
- Prouve tes dires ! fait le roi amer,
Car je n’aime guère les persifflages
Ni ce qui trouble la paix du village. »
Tous de partir à l’endroit où eut lieu
Un si grand miracle. Le crâne, odieux
Et sale, était là. Seul. À l’étalage.
Donc, notre nautonier l’interrogea
Avec déférence, avec révérence,
Mais hélas la mâchoire ne bougea
Pas. Qu’importaient suppliques et insistance.
Aussi le chef décolla ce menteur
Et sa tête roula, horreur, malheur,
Près du crâne. Alors la plage se vide
Comme elle s’était emplie, impavide.
La nuit tua la chaleur, les couleurs.
Et le crâne parle alors à la tête :
« Petite, qui t’a donc conduite ici ?
- La parole ! » répliqua, d’un air bête,
La tronche tranchée, déjà rétrécie…
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