Petite fable affable d’après La Besace, J. de la Fontaine, I, 7
Dans son vieil Olympe, Jupiter s’ennuie. Pire,
Il doute de lui, de ses pouvoirs et grandeur.
Pour se bien rassurer, il veut s’entendre dire,
Par ses fruits, lui, le Créateur
Qu’il fit et fait bien toute chose.
Comme jadis, il réunit, pour que l’on cause,
Cette faune heureuse en tout qui, avec raison,
Plaignait plus le sort de tout autre.
« Dis Singe : Es-tu toujours aussi content, ou non,
De tes pieds agiles, de ta face d’apôtre ?
- Non, Maître !… De l’Homme tu m’as trop rapproché ;
Je suis, comme lui, bête, arrogant et débauché,
Prompt à feindre, trahir, tuer,… et donc me plaindre. »
Survenant alors, l’ours se mit aussi à geindre :
« L’imberbe est à la mode, et je suis velu. Fort
Velu. Devrais-je, pour plaire, épiler tout mon corps ? »
L’éléphant déplora que maigreur sans pareille
Soit dans l’air de ce temps, le laissant de côté ;
Ni fait ni à faire, il était :
Nez trop long, queue trop frêle et puis, Dieu, ces oreilles… !
Nul animal, du plus petit
À la grosse baleine à bosse,
Ne se trouvait, ici-bas, assez bien loti.
Aux tristes portraits que lui brossent
Tous ces cœurs moroses, Le grand Basileus,
Détruisit ces ingrats, avortons et maous.
« Vous parlez aussi mal à votre Dieu que l’Homme !
Si vous ne vous plaisez, tels que je vous fis, tous,
Pourquoi continuer à vivre ?!… Là, en somme,
J’ai réussi à vous rendre heureux et sereins,
Comme le doit un souverain !
Ne voir que soi, soi seul, nous donne des œillères :
On est maux et défauts. Aussi cela conduit
À se dénigrer prou, méprisé sans manière.
Comment, dès lors, pourrait-on estimer autrui ? »
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