Petite fable affable
« Qualis artifex » (Néron)
« Qualis artifex » (Néron)
Un gros grillon, troubadour des labours,
Était moqué par le peuple de l’herbe
Qui raillait ses chants, brocardait son verbe
En prenant ses textes tout à rebours.
Ce n’était pas qu’il n’avait pas, ce barde,
De talent… au contraire même, mais
Ses vers joliment troussés, bien rimés,
Ses métaphores bien filées, pas ringardes,
Et sa voix d’or ne manquant pas d’effet
Étaient objets morgués, sujets à méfaits.
Caricaturé, parodié,… le chantre
Des prés et des champs, lui, jamais méchant,
Poursuivait toujours dans la voie du chant,
Dès que Phœbus, matin, quittait son antre.
Si au contact de tant de cruauté
Notre cœur se bronze ou, hélas, se brise,
Peut importait qu’on le ridiculise
D’avis ayant valeur de vérité :
Son art plaiderait, un beau jour, pour lui,
Demain lui rendrait raison à grand bruit !
Bons esprits mais mauvais fond, les cigales
Jalouses, bafouaient partout, sur tout,
Ce petit grillon, griot touche-à-tout,
Qui voulait se faire un nom jusqu’au Bengale
Alors qu’elles, choristes éprouvées
Voire adulées, faut-il qu’on le confesse,
Avaient du talent jusque dans leurs… tresses.
Lui insistait encor’, voulant prouver
Le faux de leur méchanceté gratuite,
L’erreur de leur vaine et vile conduite.
Et puis, égratigné par trop de vers,
Blessé par des mots, saillies faites pointes,
Peu à peu, l’animal se désappointe
Puis craque avant que ne nous vint l’hiver.
Son mouchoir pleura sur des épigrammes
Faites au kilo et de fiel arrosées.
Risée du peuple de la rosée,
Sa dépression n’émut aucune dame,
Or rien n’est plus troublant que le trou noir
Qui trouble le trouvère, matin, soir…
Il n’avait pas le cœur à la bataille,
Donc mangea son bien puis prit les chemins :
Qui n'a plus de blé finit sur la paille !
Il soupira donc, sachant fort humains
Les siens, quand la Mort le prit en ses mailles :
« Ah, quel talent je vais avoir demain* ! »
* De l’inspiré Hector Berlioz (1803-1869) alors qu’il expirait…
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