À Jorge Semprun
Non, je ne suis pas un “survivant”.
Je serai plutôt un revenant.
Car si le camp n’était alors qu’hécatombes,
Il n’a pas été, peut-être hélas, ma tombe…
De l’Enfer on ne revient pas
Alors, dis, d’où viennent mes pas
Que tant de pleurs et que tant de douleurs plombent ?
Quel beau dimanche tu vis là, loin des bombes…
Ils disaient vouloir m’exterminer.
Peine perdue. Ma vie est ruinée ;
Ils ont certes détruit les miens ; ma famille
N’est plus qu'une fumée partie en guenilles
Mais, désormais, plus rien, ici,
Ne m’effraie : on ne vit qu’en sursis,
Nous, les si frêles et infimes brindilles
Invitées au grand voyage des aiguilles.
Je l’avoue : je ne crains plus la mort.
L’avoir côtoyée m’a rendu fort.
Elle est devant vous, tout en esprit grégaire,
Mais elle est derrière moi, toujours à braire.
La domestiquer fait que j’ai vécu,
Ne plus en avoir peur, que j’ai vaincu,
Moi, qui étais, suis tout sauf un téméraire.
J’étais pourtant le mort qu’il fallait, mon frère !
“Réchappé” ? Oui. “Libéré”. Non !
Chaque soir me ramène des noms
Et des ombres de ce bout de mon histoire
Qui peuplent et piétinent ma mémoire,
Errant et occupant mes nuits,
Me ramenant ce temps enfui
Sans évanouissement libératoire…
Pourtant les chasser serait blasphématoire.
“Réchappé” ? Oui. “Libéré”. Non !
Chaque soir me ramène des noms
Et des ombres de ce bout de mon histoire
Qui peuplent et piétinent ma mémoire,
Errant et occupant mes nuits,
Me ramenant ce temps enfui
Sans évanouissement libératoire…
Pourtant les chasser serait blasphématoire.
Vous ne voyez en moi qu’un survivant
Mais je serai encore un revenant
Qui, seul, nu, face à l’avenir, ne redoute
Qu’oubli, négations, mensonges et doutes
Car il y aura toujours un prochain
À traiter comme bête ou machin,
À exterminer car il croise une route
De trop, dessous la plus céleste des voûtes !
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