Petite fable affable
Un lynx qui rodait trop près des Hommes
Tomba dans un puits. Pauvre pomme !
Il eut beau bondir et s'accrocher
Aux parois, à part fort s’écorcher
Il n’arrivait pas, à bout de souffle,
À se tirer de ce mauvais pas
Et priait donc pour qu’un vil maroufle
Passât près… sinon gare au trépas.
Or un gros chat errant se promène
Aux abord de ce trou. Se démène
Alors l’autre à l’ouïr : « Hep, cousin
Sors moi de ce infâme bousin.
- Je te sais plus rusé et plus fourbe
Qu’un renard et bien plus cruel
Qu’un loup. Te sortir de cette tourbe
Serait me condamner à duel.
- Que voilà un préjugé injuste,
Viens à ma rescousse et un juste
Salaire tu recevras pour ça… »
Ainsi de suite. Préchi. Précha
Le lynx convainquit le solitaire :
Il lui glissa un gros bout de bois
Qui servit d’échelle. Hors de terre,
L’autre se libéra, aux abois.
Pour tout merci il prit en sa gueule
Le chat errant et croqua, vil, veule,
Sa patte. Il cria comme argousin
Et ameuta le chien voisin.
Le lynx ne put fuir. Donc, en juge
De la querelle s’improvisa
Le dogue. Il n’est pas de ceux qu’on gruge,
Alors l’ex-prisonnier rusa.
Il mentit : pour lui un vrai crime
Projetait le chat qui, sous le grime
D’un sauvetage avait fait le trou
Où il aurait dû se briser le cou.
Médor voulut qu’on rejoue la scène
Pour mieux comprendre et bien voir
Causes et portée de cette malsaine
Et complexe affaire. C’est devoir !
Le lynx saute dans le trou. Le dogue,
Fort roué, lassé par le ton rogue
De ce tacheté, lui retire
Son échelle de fortune et, pire
Fait au chat errant, las, fort meurtri :
« Va ton chemin, mon ami, et soigne
Ça. Ce scélérat, âme pourrie,
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