Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mardi 29 octobre 2019

LES DEUX SAGES D’UN SOIR

Petite fable affable

Ne connaissant avent ni carême,
Un rustique, suppôt de Bacchus,
Était de frairie, pas vraiment plus,
Avecque un Ridicule, la crème
Des galants de Cour, très vaguement
Noble, perdu à vivre en cambrousse
Pour un bon mot, cruel donc. Vraiment
Pas du goût du bon roi, ce braiement
Causa sa perte. Il eut dès lors la frousse,
En disgrâce plus qu’en défaveur.
Ces choses-là ont une saveur
Âpre que cent placets et suppliques
N’arrivent pas à faire passer
Et qu’aggrave la moindre réplique
Car votre vue seule va lasser.

L’ancien flagorneur et le rustre
Avaient au-dedans de leurs croisées
Tables mises, vies embourgeoisées
Et même, tous deux, bougies en lustres,
Pléthore de foin en leurs remises
Et grains à foison au grenier.
Il se fourvoyaient donc, la chemise
Déboutonnée, comme c’est de mise
Chez gens vivant en casaniers,
À philosopher fort sur la vie,
L’esprit par le bon vin asservi.
Comme sages et doctes prémices,
Ils pleurèrent d’abord sur leur sort,
L’un parce qu’il n’était las que vices,
L’autre car il n’avait plus de sponsors.

Alors, au dehors, ils regardèrent.
Y errait Jean, le vieux berger,
Vivant en ascète, allant léger,
Portant le hoqueton de vrais hères,
Musette à l’épaule, houlette en main,
Gourde et flutiau à la ceinture.
Sa vie n’est faite que de chemins,
De bêtes entravant son pas romain,
En quête de nouvelles pâtures
Pour bourdaine ou serpolet brouter,
Suintantes et puantes comme ourses.
C’était pour nos deux penseurs, la pire 
Des vies qui soit en cette vallée
De larmes où le labeur est l’empire
D’humbles ne pouvant que mal aller…

Et dirent, finissant leur fiole :
« À défaut d’être vraiment heureux,
Toujours le malheureux se console
De sa vie à voir plus miséreux ! »

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