Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mercredi 17 juin 2020

LES DEUX PÉLICANS

Petite fable affable d’après Les deux Persans
de  J.B. Claris de Florian (Fables,  II, 18)

Il n’est las plus mauvaise compagnie 
Qu’un pélican, tant l’oiseau envahit
Votre vie pour y vider ses querelles
Et, pis, son sac de mère maquerelle.
Alors imaginez deux de ces coureurs
D’océans orangés de bec et pattes :
Cela ne peut produire que quelque horreur
À qui veut la tranquillité non la hâte.

Donc deux pélicans, le goitre pendant,
Se disputaient à en perdre les dents
Sur le Dieu qui devrait faire « Norme » :
Sans se désigner chacun, c’est énorme,
 Se nomme comme le seul parangon ;
Les traits claquent, les insultes cloquettent
Comme en cour où oisons se font dragons.

Le premier cherchant auprès de l’autre
Qu’il juge, sans fard, fort mauvais apôtre
Plus, sur ma foi, un unanime avis
Propose alors, pour l’honorer sa vie 
Durant, de tourner son oeil vers cet astre
Du jour qui est, sûr, le seul vrai dieu.
Un mois plus tard, arrive le désastre :
Aveugle, il se noie en quelque lieu.

Le second, crédule à toute chimère
Reniant, pour ce, s’il faut père et mère,
Ignorant vivant aux dépens des sots,
Tire leçon du sort du bécasseau
Qui le contredisait et, sous la terre
S’enferma pour se protéger de Râ,
Divinité à craindre pour ses rais-serres 
Autant qu’à vénérer sur l’agora.

Il en perdit la vue et, à la pêche
Ne pouvant aller, la vie. C’est rêche !
Il en va ainsi quand on n’a pas compris
Qu’en tout et pour tout, il est un bon prix :
Le meilleur des partis, comme nous disent
Isopets, est un juste milieu ;
Mais quand on est bêtise et balourdise
C’est le plus dur à trouver, Mon Dieu !

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