Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mardi 9 juin 2020

AU FIL DU GRAND FLEUVE

Petite fable affable

Sans doute lassé de ne manquer de rien,
Un atèle quitta sa canopée altière
Pour voir si sous cette futaie c’était bien
Malgré les cruels hôtes des termitières,
Et tous ceux des terriers, pis que des chiens
Ou les fauves, ou les serpents, non moins avides.
Et ne parlons pas de ces fourmis impavides !

Il plonge parmi la multitude des branches,
Agile comme en songe, il arrive à l’aplomb
Du grand fleuve et y choit sans que ce soit la franche
Rigolade, tombant comme barre de plomb.
Notre singe, hélas, nage comme une vraie planche.
Il se voit donc couler. Il appelle au secours 
À grands cris qui résonnent au jardin, à la cour.

« Attrape liane à ta portée ou ramille,
Plutôt que de hurler et de gesticuler ! »
Fait un ara que dérange ce Sans-Famille.
Mais notre pauvret perd pied, plus acculé
Que jamais : « Qu’attends-tu pour nager comme anguille
Au lieu de crier ! » lui lance Anaconda,
Familier des abords, gras comme un vrai Bouddha.

On l’abreuve de conseils, alors qu’il boit la tasse
Et finit par se noyer, happé des piranhas,
Dans l’indifférence d’une jungle brutasse
Où nul ne lui a tendu perche ou main. hélas.
Combien est-il de conseilleurs en ce bas monde
Qui ne font geste pour le rendre moins immonde ?

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