Petite fable affable d’après Le roi judicieux de J.-F. Guichard
(Contes & fables…, tome 1, 1898, III-16)
Dans un royaume au maître intransigeant,
La loi n’avait jamais rien d’engageant,
Sa violence ôtait aux sujets et aux hôtes
Las, toute envie de discussion,
Sa vélocité quand, ailleurs elle trotte,
Tout esprit de contradiction.
Un esclave avait failli. Pourquoi ? Comment ?
Peu importe. Son état plus que sa faute
Justifie qu’on le décolle. Et que ça saute !
Même si le bourreau s’en vint vitement,
De peur de passer sous le fil de sa propre
Hache, on dut encachoter le condamné.
Lors le servile insulta comme un malpropre
Le sang du roi au nom du dieu qui damnait
Alors Mauvais et Méchants de cette terre.
« Soldat, dis, quels sont ces cris qu’on ne fait taire ?
- Roi, c’est le prisonnier qui loue haut et fort
La clairvoyance des juges à grand renfort
De prières et la bonté de la Justice
Qui règne en ce monde grâce à vous.
Aussi appelle-t-il, sans artifice,
La bénédiction des Hauts Cieux sur vous… »
Le souverain tonne alors : « Qu’on l’élargisse ! »
Mais un courtisan de la dupe témoin,
S’aventure : « Cet infâme, d’immondices
Vous couvrait et maudissait, à tout le moins,
Tous vos pairs, vos pères et votre descendance !
Il faut châtier mensonge et impudence… »
Le monarque ne dit mot mais il conserva
Sa grâce au servile. Or, sur ces entrefaites,
Son exécuteur, tout suant, arriva.
Si les morts publiques étaient alors de vraies fêtes
Il n’aimait pas qu’un tranche-tête soit
Désoccupé. De plus, on s’ennuie dans la soie
Plus vite que vêtu de lin ou de laine.
Donc il ordonna que soit raccourci
Sur le champ ce noble pour ses si vilaines
Inclinations. Mais si… Mais si…
Notre sultan dit, au moment où la lame
Tombe, ces mots expliquant à tous le blâme :
« Mensonge plein d’Humanité vaut bien mieux
Que Vérité qu’enfielle Cruauté, Mon Vieux ! »
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