D’après Auprès de mon arbre (G. Brassens)
J’ai jeté mon encre
Dans l’eau des ruisseaux,
Mon amie, mon ancre,
Dans un soubresaut.
Elle était ma vie, ma voix,
Un peu caustique, un peu brute,
Pour vous dir’ n’importe quoi
Mêm’ « casse-toi », « merde » ou… « flûte » !
J’suis maint’nant un cancre
Qui a perdu ses mots ;
Un idiot, un chancre,
Pire qu’un marmot
Depuis je n’écris plus rien,
Pas un vers, plus une ligne,
Une phrase de bien
Ni même un p’tit signe !
Auprès de ma plume,
Je vivais heureux :
J'aurais jamais dû reposer ma plume…
Auprès de ma plume,
J’étais bien, au mieux.
J'aurais jamais dû la quitter pour mieux…
J’suis plus poète,
Je n’ai pas le choix ;
Je suis Lisboète
Et bouffeur d’anchois.
Tout ça parce qu’ça a marché,
Qu’je leur ai pondu un livre
Que l’on s’est arraché
Qui me permet d’bien vivre !
J’vis comme un riche
Sans compter mes ronds.
J’ai la tête en friche,
Je suis un baron,
J’ai perdu mon style et ma foi,
J’ai plus de cœur ni de tripes,
J’ai même plus les foies,
Je suis un pauv’ type !
Auprès de ma plume,
Je vivais heureux.
J'aurais jamais dû reposer ma plume…
Auprès de ma plume,
J’étais comme aux cieux ;
J'aurais jamais dû la quitter, Tudieu…
J’ai viré ma femme,
Ça c’est élégant
En vendant mon âme
À un mec fringant
Qui m’édit’ depuis un’ année
Plus qu’il médite, c’est sûr,
Et qui m’a banané
Comme un porteur de tonsur’.
Privé de compagne,
Mais perclus d’amies,
Bourré au champagne,
Et plus au demi,
J’vais de cocktails en soirées
Pour montrer, me fendr’ la gueule
Et puis pour me la beurrer
Com’ tous les singles !
Auprès de ma plume,
Je vivais heureux,
J'aurais jamais dû reposer ma plume…
Auprès de ma plume,
J’étais insoucieux ;
J'aurais jamais dû la quitter des yeux…
J’attends qu’la Camarde
Vienne à tout moment
Me r’tirer la garde
De tous mes diamants.
La solitude est un puits
Où, dans l’illusion d’ la course,
Je noie mes jours et mes nuits,
De l’aval jusqu’à la source.
J’attends la Camarde,
Et je n’en peux mais.
J’veux pas qu’elle musarde
Jusqu’au mois de mai,
Pour qu’on m’encens’ comme un dieu,
Moi qu’est con comme la lune :
Tu finis mal quand tu d’viens vieux
Avec tout’ ma thune !
Auprès de ma plume,
J’étais laborieux,
J'aurais jamais dû reposer ma plume…
Auprès de ma plume,
Je vivais heureux,
J'aurais jamais dû la quitter, Pardieu !…
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