Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

mardi 7 mars 2017

L’OCELOT BOSSELÉ

Petite fable affable

Un ocelot, réputé ladre, disait,
La lippe molle et le regard aiguisé,
Avoir, c’était sûr, des poches fort profondes
Mais des bras trop courts pour que ses mains les sondent.
Il n’était qu’un riche déchu, ami du roi
Certes mais, las, sans chapeau ni palefroi.
Un maigre lynx vint à jouer dans sa chaumière,
Nuitamment, pour piller hors la lumière,
Les trésors cachés du fauve tacheté
Que tous savaient pleutrerie et lâcheté.
L’avare économisait même ses sommes :
Le trublion fut reçu en gentilhomme
À coups de livres de comptes et de pensums
Dans la petite turne où un opossum
Même n’aurait pu se mouvoir à son aise.
Il s’en suivit hurlements jusqu’au malaise
Et pugilat : une telle intrusion 
Chez les bêtes se paie, à profusion,
C’est selon, de nues de poils, de pluie de plumes,…
On narre ces combats en de maints volumes.

L’ocelot hurlait qu’il voulait lui piquer
Son oseille et ses picaillons, paniqué ;
Que les lynx ne sont que larrons dont l’espèce 
Croît plus vite qu’ivraie ou pelisse épaisse.
L’autre se présente comme une camelot,
Un bonimenteur vendant des bimbelots,
Pour apaiser le grigou qui se déchaîne,
Si sa bévue le condamnerait aux chaînes,
Il n’y avait pas crime puisque rien
À voler. Plus maladroit que vaurien,
Il avait, seulement, mal choisi son heure
Pour démarcher un client en sa demeure.
Il était, vrai, un honnête mercanti
Qui de seulement deux vices était nanti :
Un sourire protocolaire, un langage
Diplomatique, atouts qui partout engagent !

L’avare porté au pinacle à la Cour
Fit si bien qu’à ses hauts cris on accourt :
Avant l’aube les poulets furent en la place
Et le chat-fourré jugeait d’une voix lasse :
Ces animaux décident fort doctement
Sur des choses qu’ils entendent rarement !
Il rudoie le fripon, le grugé câline ;
Condamne l’un au gibet sur sa mine
Quoiqu’il fut soldat du roi : notre ocelot
N’est-il pas courtisan ! Soyons pas ballots :
Mieux veut flatter que servir en ce monde.
On indemnisa le floué, quoiqu’à la ronde
Ce point fit débat, mais l’argent ira
Toujours au fric. Même un sot vous le dira !

L’histoire aurait pu en rester là si, Ma Mère,
Le roi n’eut besoin pour faire quelque guerre
D’écus et doublons sonnants et trébuchants.
Le Léonin se tourne vers le méchant
Rapiat qu’est le tacheté qui tant le courtise.
La requête, en fait l’ordre, entre eux attise
Le différend. On rappelle au souvenir
De l’ocelé le procès : il voit venir
Son Maître : « En quoi suis-je, Noble Crinière,
Ton obligé ?!… Le juge à sa manière
A fait triomphé la simple vérité !
N’oublie jamais, Seigneur, que la vraie richesse
Est de ne rien attendre des autres, largesses
Ou argent, comme tout homme de bien !
Et tu es de ceux-là, Roi, ô combien !
- Seul un galérien n’a rien à perdre !
Ironie et flagornerie  font s’éperdre
Car, tu n’es point libre, être microbien :
Tu me dois mes faveurs, “Homme de biens” ! »
Argua le monarque, jupitérien.
Pour lèse-majesté fut occis le pingre
Et on réabilita le lynx malingre,
Mort depuis lurette, oublié des siens :
Ça ne coûtait rien et faisait bien
Comme de ruiner les enfants et la femme
Du chat tâché, infâme rat jusque dans l’âme.

Face à qui fait de l’ombre comme une tour,
Si tu refuses un service en retour
De grâces ou d’attentions, c’est tout comme !,
Que tu hésites ou cherches à passer ton tour,
Gare à toi et à ta race, bête ou homme :
Haute noblesse ne fait pas gentilhomme !

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