Édito’ pour RuedesFables, juin 2018
Les dés à coudre sur le tapis Feutré sont jetés : cela fait deux ans au jus (est-ce pour autant un jubilé ?), de juillet à juin, que je bâtis et broche des édito’ jubilatoires pour la passante ou le chaland de cette accueillante RuedesFables. Deux années qu’elle, ou lui, veut bien jeter un œil distrait à cette vitrine-là avant que d’entrer plus avant dans l’une des échoppes - en toute franchise, point de grande chaîne chez nous - qui s’y pressent pour admirer cotonnades de jadis ou textiles d’aujourd’hui proposés, en un libre service de bon aloi, à un temps tout aussi libre, plus à gagner qu’à perdre, par nos cousettes et habilleurs, tous tailleurs de haut vol. Si vous êtes à la recherche du string minimum ou d’une strie de strass qui stresse vous vous êtes trompés de boutique et ne serez pas à votre affaire : ici, point de jute en fibres. Que du sur-mesure ou perles rares et pierres précieuses juxtaposées, par Saint Burda ; le tout confectionné ou surfilé par les stylistes du vers d’antan ou les modistes du verbe de naguère. Sans prétention, vous ne trouverez, là, que de la haute écriture… et à prix modique puisqu’en partage au fil de l’eau à l’heure pressée des jumbo-jets, tentante des justaucorps et bruyante des juke-box.
Ainsi, et fort justement d’ailleurs, de fil en aiguille, nous, humbles façonniers d’aujourd’hui, avons tissé des liens avec celle-ci, noué d’autres avec celui-là, à travers la parabole et la métaphore, auxquelles nous sommes très attachés. Ainsi nous lui offrons, saine ambition, une échappatoire au prêt-à-penser de notre temps car, comme le prophétisait John Steinbeck (À l'est d'Éden, 1952) : « Lorsque notre nourriture, nos vêtements, nos toits ne seront plus que le fruit exclusif de la production standardisée, ce sera le tour de notre pensée ». Point de cela en nos magasins !
Oui la fable, à la craie dessinée, au ciseau découpée et patiemment assemblée avant que de, sous vos yeux, défiler, moins bon enfant que mauvais drole et en cela aussi peu « convenue » que « convenable » dans ses ressorts, est désormais le refuge des valeurs qu’on ne peut coter en bourse et qui, par la rébellion de mots qui ne se veulent pas cousus de fil blanc, rêvent de porter remède à nos maux et suturer les plaies de ce temps. C’est devenu le foisonnant maquis de la résistance d’un (mauvais ?) esprit juste et justifié dans le droit fil des moralistes comme Boileau, fil à plomb de nos cervelles embrumées : l’apologue, jamais embéguiné n’a pas le jus vénal quoique puisant aussi chez Juvenal, tançant le jurant Jupiter, le Judas enjuponné ou la Junon sans jugeote comme le cotillon de la pastourelle, soit-elle jument, et le surin du Julot, soit-il junior. Et ce n’est que justice, n’en déplaise aux jusqu’au-boutistes d’une toile sur le fil du rasoir car la frange des conteurs-rimeurs et autres prosaïques écriveurs n’a qu’un credo pour tirer son épingle du “je” : « Contentons-nous de faire réfléchir. N’essayons pas de convaincre » (G. Brayne) !
Néanmoins comme aurait dit Cléopâtre, à priser cet exercice, fil conducteur d’une vie, on apprend, devenu chantre du monde, à repriser du bon sens sur des mauvais sons au canevas de vie, à boutonner dessus la trame usée de notre société de sages idées sur des actes fous, à coudre et assembler des Hommes qui ont oublié qu’ils sont faites d’une seule et même étoffe car ainsi ne va plus la mode qui trotte qui préfère la fermeture - éclair ou non - à tout autre disposition de l’âme. Le fabuliste face aux juntes et aux jungles, roué du rouet, est donc ici-bas une petite main - qui espère passer première ! - qui, sans se piquer de vanité, met de la dentelle sur notre mal-être, festonne nos travers, galonne nos défauts,… pour nous confectionner, surfilant ses vers à soi, des histoires édifiantes dans l’atelier d’une nuit qui ne finit jamais, tirant sur une corde qui ne cesse de s’étirer comme élastique. Aussi, avant que tout ne parte en quenouille, même si avec lui point de croix à l’ombre de laquelle se reposer, ne cesse-t-il de broder sur les mêmes thèmes maintes fois rapiécés, d’ourler des textures souvent fois rafistolées, de retoucher des matières avec la dextérité des giletiers d’hier sur un tissu universel aussi plissé que son front juvénile sans espoir de médaille ni de cordon, junkie shooté à notre bonne langue… et au Jurançon. Notre métier, ne tenant qu’à un fil malgré la WiFi, n’est point trop juteux alors il faut juguler son goût pour la jujube, Ariane !
Aussi, je vous prie, fin jury plein de délicatesse et empli de justesse, vous qui passez par notre modeste rue de finisseuses et de biaiseurs, jetez un œil en glissière sur nos étals où les patrons ne sont en rien des modèles et à nos mannequins qui n’en pissent guère. Pour ma part - promis, juré ! - par peur de me faire surjeter par le jurassique - et jurassien - juge de notre jurande juché en sa chaire (dont les yeux louches sont jumelles braquées sur moi… enfin je crois !) à trop bavasser jusque-là au lieu de labourer à mon crochet à pensers, je vais vous quitter pour me faufiler encore un peu plus loin, en arpète de la rime à perpète, alors : fabuleusement vôtre…
P.S. : Un amical merci à Daniel et Annie qui, par leurs commentaires sur un précédent édito’, m’ont donné matière à en découdre de la sorte avec celui-ci qui m’a donc offert moins de fil à retordre que ses prédécesseurs !
Ainsi, et fort justement d’ailleurs, de fil en aiguille, nous, humbles façonniers d’aujourd’hui, avons tissé des liens avec celle-ci, noué d’autres avec celui-là, à travers la parabole et la métaphore, auxquelles nous sommes très attachés. Ainsi nous lui offrons, saine ambition, une échappatoire au prêt-à-penser de notre temps car, comme le prophétisait John Steinbeck (À l'est d'Éden, 1952) : « Lorsque notre nourriture, nos vêtements, nos toits ne seront plus que le fruit exclusif de la production standardisée, ce sera le tour de notre pensée ». Point de cela en nos magasins !
Oui la fable, à la craie dessinée, au ciseau découpée et patiemment assemblée avant que de, sous vos yeux, défiler, moins bon enfant que mauvais drole et en cela aussi peu « convenue » que « convenable » dans ses ressorts, est désormais le refuge des valeurs qu’on ne peut coter en bourse et qui, par la rébellion de mots qui ne se veulent pas cousus de fil blanc, rêvent de porter remède à nos maux et suturer les plaies de ce temps. C’est devenu le foisonnant maquis de la résistance d’un (mauvais ?) esprit juste et justifié dans le droit fil des moralistes comme Boileau, fil à plomb de nos cervelles embrumées : l’apologue, jamais embéguiné n’a pas le jus vénal quoique puisant aussi chez Juvenal, tançant le jurant Jupiter, le Judas enjuponné ou la Junon sans jugeote comme le cotillon de la pastourelle, soit-elle jument, et le surin du Julot, soit-il junior. Et ce n’est que justice, n’en déplaise aux jusqu’au-boutistes d’une toile sur le fil du rasoir car la frange des conteurs-rimeurs et autres prosaïques écriveurs n’a qu’un credo pour tirer son épingle du “je” : « Contentons-nous de faire réfléchir. N’essayons pas de convaincre » (G. Brayne) !
Néanmoins comme aurait dit Cléopâtre, à priser cet exercice, fil conducteur d’une vie, on apprend, devenu chantre du monde, à repriser du bon sens sur des mauvais sons au canevas de vie, à boutonner dessus la trame usée de notre société de sages idées sur des actes fous, à coudre et assembler des Hommes qui ont oublié qu’ils sont faites d’une seule et même étoffe car ainsi ne va plus la mode qui trotte qui préfère la fermeture - éclair ou non - à tout autre disposition de l’âme. Le fabuliste face aux juntes et aux jungles, roué du rouet, est donc ici-bas une petite main - qui espère passer première ! - qui, sans se piquer de vanité, met de la dentelle sur notre mal-être, festonne nos travers, galonne nos défauts,… pour nous confectionner, surfilant ses vers à soi, des histoires édifiantes dans l’atelier d’une nuit qui ne finit jamais, tirant sur une corde qui ne cesse de s’étirer comme élastique. Aussi, avant que tout ne parte en quenouille, même si avec lui point de croix à l’ombre de laquelle se reposer, ne cesse-t-il de broder sur les mêmes thèmes maintes fois rapiécés, d’ourler des textures souvent fois rafistolées, de retoucher des matières avec la dextérité des giletiers d’hier sur un tissu universel aussi plissé que son front juvénile sans espoir de médaille ni de cordon, junkie shooté à notre bonne langue… et au Jurançon. Notre métier, ne tenant qu’à un fil malgré la WiFi, n’est point trop juteux alors il faut juguler son goût pour la jujube, Ariane !
Aussi, je vous prie, fin jury plein de délicatesse et empli de justesse, vous qui passez par notre modeste rue de finisseuses et de biaiseurs, jetez un œil en glissière sur nos étals où les patrons ne sont en rien des modèles et à nos mannequins qui n’en pissent guère. Pour ma part - promis, juré ! - par peur de me faire surjeter par le jurassique - et jurassien - juge de notre jurande juché en sa chaire (dont les yeux louches sont jumelles braquées sur moi… enfin je crois !) à trop bavasser jusque-là au lieu de labourer à mon crochet à pensers, je vais vous quitter pour me faufiler encore un peu plus loin, en arpète de la rime à perpète, alors : fabuleusement vôtre…
P.S. : Un amical merci à Daniel et Annie qui, par leurs commentaires sur un précédent édito’, m’ont donné matière à en découdre de la sorte avec celui-ci qui m’a donc offert moins de fil à retordre que ses prédécesseurs !
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