Petite fable affable
La soif de paraître est une terrible
Passion. Et insatiable. À la fois
Leurre et vertige, elle est las inextinguible
Que l’on soit un loqueteux sans toit ni foi
Ou un de ces prospères négociants,
Un roi ou un courtisan impatient.
Ainsi, jeune éléphant et vieille hyène
Cherchant à s’élever auprès de Lion,
Rivalisaient de courbettes et d’aériennes
Périphrases ou circonlocutions,
Pour éblouir autant que pour séduire.
Hâbleurs et flatteurs presque bateleurs,
Ils en auraient fait rire le triste sire
Mais il était, avec autrui, sans chaleur.
La hyène malgré son grand âge espère
Autant, si ce n’est pas plus, que son rival ;
« Ah, si jeunesse passe, fit son compère,
Demeurent des appétits en l’animal
Qui ne sont jamais petits. Mais, toi, tu rêves,
Tu es arrivée tout au bout de ton temps…
Demain est à moi qui aies jeunote sève.
- Tu as vigueur. Qu’elle te dure longtemps !
Moi, en l’occurence, j’ai l’expérience
Et c’est plus utile à l’État et au roi.
D’où mon bonheur d’être ouï en audience,
Et, de là, sans doute ton lourd désarroi.
- Mais tu n’es qu’une dépenaillée pelisse,
Moi fringant pachyderme bien fringué.
- Ça ne durera pas. Viendront supplice
Et torture qui vont vite te flinguer
L’esprit car Il t’oubliera, ce bon monarque,
Ou ne te verra plus quand impertinents
Et arrivistes voulant qu’on les remarque
Pousseront leur avantage, ces manants.
- Paillasson édenté, que veux-tu donc dire ?
- Ces mots que nul n’a jamais pu contredire :
“Du désir de paraître heureux aux yeux
Des autres naît le grand malheur de tant d'Hommes ;
Du souhait de ne pas être malheureux
Naît de grandes douleurs chez bon nombre d’Hommes…” »
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