Petite fable affable
Un mâtin tirait sur sa chaîne de l’aube au soir
En geignant : « Je suis l’esclave honni de l’ingrate
Humanité, tout juste bon à gueuler, sans surseoir,
Contre les piafs volant graines aux pécores qui grattent
La Cour ou le vagabond qu’égare sa faim.
On me lâche à la nuit dans l’enclos pour faire
Fuir quelque vil renard, rusé mais pas fin,
Qui croyait ici flairer une bonne affaire.
Et tout ça pour un bol d’eau claire, Mon Ami,
Et des viandes jà rognées plus qu’à demi !
- Que devrais-je donc dire ! réplique alors l’âne,
Moi qui n’ai pour picotin qu’herbe de fossés
À glaner sans freiner, à moins de coups de canne,
Mon bon pas qui au printemps mène au marché,
Sous la pluie, sacs d’herbes et de fleurs ; qui ensuite
Y porte, sous le soleil de l’été revenu,
Cabas de légumes sous sèche conduite.
Puis vient l’automne avec ses vents sans retenue,
Où des paniers de fruits j’y convoie sous austère
Férule. Enfin arrivent les neiges d’hiver,
Par lesquelles de lourds tombereaux, non de terre
Mais de fumier, je mène où étaient près verts.
- Allons, tu peux vaquer toi, quand cour ou clôt bornent
Ma vie : personne n’aime être entravé, l’Ami !
- Maître te soigne mieux que sa maritorne !
- Mais nul ne veut porter les fers de l’infamie !
- Si on craint ta chaîne qu’il se peut que tu brises,
Qui plaint donc ma peine qui fait qu’on me méprise ? »
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