Petite fable affable
La paix ancrée au cœur face aux aléas
De la fortune et aux risques d’ici-bas,
Un jeune ocelot quitta sa dense et noire
Forêt pour les plateaux où il voulait boire
Les éloges dus aux beautés sans pareilles
De sa livrée colorée. Une merveille !
Car quand on est si beau, il faut le montrer !
Que ça se sache et dise. Or, en sa contrée,
L’ombre le masque, les autres le jalousent,
À commencer par la panthère qui épouse
La nuit sombre même au grand jour. Folie
Que d’avoir un pelage si peu joli !
Donc, lassé de ne trouver d’enthousiasme
À se voir tel qu’il est que dans le sarcasme
Des petits singes ou dans le miroir des eaux,
Il quitta les basses terres à cacao
Qui l’avaient vu naître et toute sa famille :
Il est un âge où il faut briser sa coquille !
Foin des dénicheurs et fi des chasseurs.
Il part vers les plateaux, alerte danseur.
Parmi rocailles et rocs des terres hautes,
Il croise, drapé en ses loques, un coyote.
Face à la terne pelisse dépenaillée,
Plus usagée qu’âgée, sans guère atermoyer,
Notre jeune tacheté, tout mépris, lâche :
« Quelle horreur un habit sans couleur ni tache !
- C’est qu’il est taillé pour se fondre aux rochers,
Qui est l’endroit où je viens à crécher !
- Je ne goûte ni le servile propos, ni l’offense.
Mais comment peut-on vivre sans l’alliance
Entre la grâce et la beauté, mal accoutré ?
- On n’est pas plus sage de salir que d’outrer !
À quoi sert donc l’éclat sans l’esprit, Dépouille ?
- Dépouille ? Voudrais-tu me chanter pouilles ?
- Que nenni, l’Ami !… Mais l’Aigle que tu vois,
Là-haut, lui, t’a repéré quand ma voie
Est fort protégée par mes hardes et guenilles.
Va, je te laisse à votre proche gambille ! »
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