Petite fable affable
Sa Majesté Lion sent combien
On parle en son dos - et pas en bien -
Le vil peuple murmure et fort chuchote,
Médit,… peut-être même les chochottes !,
Qu’un vil effroi plus que le vrai respect
Donne à son règne un lustre suspect.
Il appelle en audience le chacal,
Son vizir, et, le ton trop amical,
L’état de l’Opinion lui demande,
Comme le ferait qui toujours commande.
« Sire, Votre Majesté est fort aimée
De ses sujets. Même ceux à blâmer,
Louent et votre Justice et vos largesses,
Votre Sagesse et toutes vos prouesses…
Votre saint nom est partout encensé,
Car on ne vit de règne plus sensé
Sur cette terre sauvage qui n’est,
Sous votre férule, que quiétude
Et abondance, qu’on soit bien né
Ou pécore vouée à servitudes.
- Et cela, dis-tu, même chez mes proies ?
- Même, Votre Grâce !… Elles se font joie
De sustenter, si mal, un si bon maître
Que nous envient sans vergogne les êtres
De ce bas-monde qui ne vous ont pas
Comme roi… Ç’est pire que le trépas !
Et si l’on parle bas à votre approche,
C’est pour qu’un accent rocailleux n’accroche
Point votre oreille, ou qu’un mot mal dit,
Quoique bien pensé, ne soit mal pris.
- Je serais donc, à ce point, susceptible
Pour tous ces animaux incorrigibles ?
Par ta bouche la bêtise a parlé ;
Ma censure va aussitôt frapper ! »
Sans marque de colère impétueuse,
Sur l’échine par trop respectueuse
Du chacal, une patte s’abattit,
Rompant du veule tous les abattis :
« Tu croyais, en bête présomptueuse,
Berner ainsi un si grand souverain
Dont chacun sait, hélas, l’âme tueuse ?
Un flatteur en rajoute trop, toujours ;
Ses excès le condamneront un jour ! »
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