Petite fable affable
Le long d’un de ces pénibles et si difficiles
Chemins des montagnes que nous avons ici,
Un âne bâté comme il se doit, quoique docile,
Renâcle à aller par la pierraille qui scie
Son pas et le fait trébucher parfois aussi.
Un cheval libéré de tout faix l’accompagne
Car leur guide inquiet, à terre, a mis pied.
C’est dire la pénibilité de vrai bagne
Qu’est ce périple-là pour ces équipiers
Que, jà, des vautours commencent à épier.
N’en pouvant mais, la bourrique humblement demande
Au noble animal de partager son fardeau :
« Veux-tu donc me voir gâter mon pied, Limande ?!
Me prends-tu pour un mulet ?!… Tu as, toi, bon dos
Et fait pour ce labeur de débardeur, lourdaud.
Moi je ne transporterai jamais que le maître
Ou qui il inviterait à aller avec nous.
- Alléger ma charge me serait, sur quelques mètres
Au moins, d’un grand secours. Je sens que mes genoux
Vont lâcher sur ces raidillons, par ces noues !
- Le temps fraîchissant si haut, d’une couverture
Je veux bien te décharger. » Ce qu’il fit.
Et rien de plus jusqu’au village aux toitures
D'ardoise où l’homme vendit, avec gros profits,
Sa marchandise et où il accepta, sans rififi,
De convoyer un notable du lieu pour faire le voyage
Retour. Le colporteur installe l’important
Personnage sur son coursier qui, sans partage,
Doit porter, outre le quintal du bien-portant,
Le poids de son inséparable et gros bagage.
Vous avez compris ce qu’il arriva, je gage ?!
Il advint un moment où sur la route que j’ai dit
Notre pur-sang demande modestement, tête basse,
Au grison de le soulager un peu, fort refroidi
En sa fierté. Ce-dernier prit, voix lasse
Mais fort satisfait, en croupe non le fret - c’est dit,
Le passager s’y opposait, craignant la perfidie
De ce routier - mais le chihuahua blotti
En ses bras… Voilà petit poids qui peu harasse !
Ainsi notre convoi franchit-il monts, vaux et passes,
L’âne glissant lors à l’oreille du cheval contrit :
« Aider autrui quand, sans mal, on peut le faire
Peut nous tirer, bon an, mal an, un jour d’affaire… »
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