Petite fable affable d’après L’âne et les chardonnerets
d’A. De Vitallis (Fables, 1796, III, 14)
Un âne efflanqué, crevant de misère
En un méchant taudis qui ne tenait debout
Que par miracle, lui aussi, hère
Parmi les gueux d’ici-bas d’un bout
À l’autre de l’année, faisait piètre pitance
Et fort mauvais coucher en toutes circonstances.
Point de foin l’hiver, peu d’herbe l’été,
La terre était ingrate à souhait à ce maigre
Baudet, par contre de chardons bleutés
Point il ne manquait. Il allait le pas allègre
Et le cœur aussi léger que le corps
Là où il œuvrait encore et encor’.
Ce qui faisait ses festins comme l’ordinaire,
En toute saison, il en broutait tant
Qu’il s’attira le courroux d’oiseaux débonnaires,
Les chardonnerets, qu’il privait d’autant :
« C’est un scandale, cette goinfre de bourrique
Va tous nous affamer, ce n’est pas chimérique !
Oui, le chardon est aux chardonnerets
Comme son nom l’indique. Ainsi la Nature
L’a voulu, ainsi ça doit être comme au pré
L'herbe verte est au bétail. Sans fioriture,
Je le dis les ânes ont chélidoine pour eux
Et valériane ou bétoine, gentiane,
Avoine, pivoine et bien sûr pas-d’âne !
- Ah ?… Et pourquoi pas “liane”, gros sots ?!
Fit une pie. Si plantes, par nom se destinent
À telle ou telle bête, quel serait mon lot ?
La vie de ce baudet n’a rien d’une comptine :
Il est si vieux, faible et mal allant,
Et l’on épuise tant tous ses talents !
Vous tous pouvez aller chercher, d’un seul coup d’aile,
Ailleurs des graines à becqueter. Mais lui…
C’est un crime de vouloir priver haridelle
Du peu qu’elle a quand, soi, nul ennui
Ne vient à troubler notre vie que le médire
Des malheureux que l’on n’aide ainsi sans mot dire ! »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire