Mosaïque de poésies prosaïques & de proses poétiques

parfois sous forme d'aphorismes, de chansons et surtout de fables…

lundi 29 novembre 2021

DE L’UNION CONTRE L’OPINION

Petite fable affable d’après L’âne vert
de Cl.-J. Dorat (Fables ou allégories philosophiques, 1782, III, 8) 

Une veuve du village, encore verte,
Voisinait avec un gaillard qui louait
Ses bras à deniers comptant, tout l’été,
 Au plus offrant, donnant à la plus offerte
Le reste pour pas une pistole. En vrai !
Ainsi il vivait heureux quoique pauvret.

La veuve aspirait à convoler encore
Quoique s’éloignât le temps de son aurore.
Elle avait du bien. Lui n’en avait pas.
C’était assez pour faire un premier pas.

Qu’en diront bachelettes, folles jeunesses ?
Qu’en murmureront commères et curé ?
Rumeurs viens et médisances sans finesses
Vite, se feront mortifères arrêts.
Quand sera sue la chose charivari
Et hourvaris courront, sans fin, la voirie !

Ainsi seront gâchées les noces campagnardes
De cette remariée qui jà paillarde
Avec qui a la moitié de son âge.

« Va, ne crains pas le tumulte du village
Lui fit, matin, le bellâtre convoité.
Je sais comment faire taire pareil tapage.
Fais-moi confiance. Je vais les gâter :
Ce n’est plus sur notre étrange ménage
Que, demain, crois-moi, le bourg chansonnera ! »

Après l’église et la mairie, sans hourras,
On gagna donc l’auberge où les épousailles
Devaient devenir, pour tous, fête et banquet.

À peine entrés, on moque ces accordailles
Quoiqu’invités. Ainsi font tous les roquets ! 
Mais stupeur : un âne vert passe en fenêtre
Son museau et brait à tout va son mal-être.
On en oublie ces mariés allant, Dieu,
Contre les us et coutumes du lieu.
On ne parla plus lors que de ce prodige
Dont toute mémoire garde les vestiges.

Là, le jeune époux à sa Belle glissa,
Dans un sourire qu’il effaça, fissa :
« Donne aux causeurs du nouveau et de l’étrange
Et, lors, plus rien d’autre ne les dérange ! »

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