Cycle historique
Ici ma mémoire et mon âme sont enclines
À saluer la mort des inconnus majeurs,
Qui face aux bourrasques ne plient ou ne s’inclinent :
Venus pour échapper, un jour, aux égorgeurs,
À la colère des tonnerres ravageurs
Et devenus, chez nous, des héros anonymes
Dont on a oublié jusqu’au vrai patronyme ;
Cherchant l’égide de notre hospitalité
Ils ont défendu les valeurs qui nous animent
Et notre honneur, malgré toutes nos lâchetés…
Toi, tu ne fus, au grand jamais, pusillanime.
Tu as pris les armes pour cette liberté
Qu’à défendre nous ne fûmes pas unanimes.
Comme tu fis, chez toi, pour cette dignité
Que te refusait un pouvoir de fer ganté,
Qui t’a acculé à reculer en montagne.
La peur et l’ombre.Puis tu dus fuir le bagne
Promis à tout perdant devenu impuissant
Dans le combat mené face aux cris, à la hargne
Des loups et des corbeaux jamais repus de sang.
Mais la folie furieuse ignore les montagnes,
Qui n’arrêtent pas ses brandons incandescents :
Un vent fou les poussa plus loin que ta Cerdagne.
Nous t’avons interné, à Pâques fleurissant,
Puis on t’envoya, Toi, le désobéissant,
Écorcher ton temps loin de la Place Dauphine,
Chez les agonisants, ceux qu’alors on confine
Face à ces fours qui vont consumer leur sursis,
Mêlant la mort aux vents, en poussière si fine.
La Faucheuse, pour Toi, n’en voulut pas ainsi.
L’instinct, à côtoyer la Camarde, s’affine :
Miradors, barbelés, chiens et même glacis
N’ont pas pu empêcher ta fuite séraphine…
Tu repris le flambeau, dès ton retour ici,
Jusqu’à ce que notre ciel soit désobscurci.
Si le soleil revient toujours après l’orage,
Pour qu’on n’oublie pas ces outrages, ni la rage
Qui livra des cendres aux souffles rugissants,
Tes yeux délavés nous rappelaient le Courage,
Gardiens du souvenir, du sang et des absents…
L’humaine mémoire fait si souvent naufrage…
Certains oublièrent, en nos temps vieillissants,
Que l’Homme est pire que le loup quand il enrage,
Et que l’on fait saints des assassins indécents,
Eux qui, de leurs crimes, ne sont pas rougissants.
Quand tu t’en confiais, en plissant les paupières,
Ta voix si rocailleuse, où s’enroulaient des pierres,
Se fissurait d’avoir battu ces chemins-là
Sans avoir rencontré l’ombre du grand Saint-Pierre…
Vinrent d’autres combats. Toujours là. Jamais las.
Sur Toi, désormais, pèse une pesante pierre.
Une flamme fière et droite, sur ce toit-là,
Rappelle ta foi et ton combat, ces croupières
Qu’aux ayatollah de Loyola tu taillas,
Comme aux bruns séides d’un fat maréchalat.
Que cette pierre sur laquelle je m’incline,
Mémoire immobile d’un passé qui décline,
Soit la première de ce combat ravageur
Qui couve, en notre temps, où la Peste est encline
À revenir hanter nos jours, l’esprit vengeur…
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